Après quatre années d’absence, M. Ward se mouille enfin pour sortir son huitième album solo. Et nos larmes de bonheur se confondent à la pluie.



Une pluie fine ouvre ce nouvel album de l’ami américain Matt Ward. Peut-être histoire de laver la déception que fut le précédent opus, A Wasteland Companion, et remettre les choses au clair. Lui qui nous a pourtant rarement désappointé en solo. On le sait, M. Ward a tendance à se disperser depuis la fin des années 2000, que ce soit avec son super groupe Monsters of Folk, loin pourtant d’être monstrueux ou un chouia plus convaincant avec Zooey Deschanel au sein du duo retro-glam She & Him. On le retrouve aussi à son meilleur sur le superbe album de Neko Case, The Worse Things Get, The Harder I Fight… (2013). Toujours très affairé, M. Ward était tout récemment aux commandes du dernier album de la diva soul Mavis Staple, Livin’ on a High Note, où il multiplie les casquettes de compositeur et producteur.

Sans manifestement baisser le rythme de ses activités, le musicien de Portland a tout de même trouvé le temps de se consacrer à son propre ouvrage, après quatre années d’absence. Bonne nouvelle, le songwriter semble cette fois mieux gérer ses priorités, ainsi que son agenda surchargé qui lui avait fait tant défaut sur A Wasteland Companion et certainement dilué la qualité de ce dernier. Ce huitième opus exhale une americana somptueusement arrangée, traversée d’un charme suranné. Car on le sait, la folk de Matt Ward s’est progressivement étoffée depuis le magistral Transfiguration of Vincent (2003), mais avec chaque fois l’assurance d’un bon goût à toute épreuve. More Rain continue dans cette veine pop pastorale chatoyante, dont le seul dessein serait de propager de bonnes ondes dans le chaos de ce monde.

Dans ce cadre enchanteur Matt Ward, décidément toujours en galante compagnie, s’est entouré de quelques unes des plus belles voix country folk outre atlantique : la puissante Neko Case, la figure k.d. Lang, ou encore le prodigieux duo The Secret Sisters. Sur le très efficace « Time Won’t Wait » et ses relents Doo-wop, la voix hors-norme de Neko Case aux choeurs provoque un tourbillon émotionnel qui emporte tout. Ce morceau n’a rien à envier à la power pop ensoleillée des New Pornographers. Autre invité notable, le guitariste Peter Buck d’R.E.M contribue sur deux titres – à la mandoline sur le magnifique « Phenomenon » et à la Rickenbacker carillonnante sur « Temptation ».


La présence de tous ces invités n’éclipsent pas la qualité des compositions. La six-cordes singulière de M. Ward, ainsi que sa voix affectueuse se promènent tout au long de ses douze titres traversés d’une sérénité confondante. Une nouvelle reprise des Beach Boys “You’re so Good to Me” s’ajoute aussi à son tableau de chasse – “You Still Believe in me” avait aussi été repris sur Transistor Radio (2005) -, appropriée avec classe. Autre obsession récurrente, celle pour les hélicoptères qui réapparait sur le single un peu barré « Girl From Conejo Valley » avec le multi instrumentiste Mike Mogis à la mandoline et au Moog. Le membre de Bright Eyes, et compère des Monsters of Folk s’illustre d’ailleurs sur plusieurs morceaux de l’album.

Les merveilles orchestrées que sont « I’m Listening », « Phenomenon » et « Confession » incarnent quant à elles la quintessence de cette americana fantasmée, de cette nostalgie qui n’existe que dans les rêves mais adoucit les maux. Sur le final parfait, “I’m Going Higher”, aux allures de classieux dernier tour de piste, on se dit que décidément ce M. Ward sait tout faire.
La douce averse More Rain berce nos sens, et a le mérite de vouloir rendre ce monde bien meilleur. Merci encore d’être passé, M. Ward.