L’emblématique tandem de Seattle dérive dans la power pop “synthétique” avec plus ou moins de réussite, sauvé in fine par leur art mélodique incomparable.



Ce phare qui illustre la pochette de Solid States, et dont le faisceau lumineux guide au large les navires pris dans la tempête, reflète le parcours agité des Posies ces dernières années. Le tandem américain de choc, Jon Auer et Ken Stringfellow (parisien d’adoption), a traversé des épreuves difficiles pour aboutir ce huitième chapitre de leur discographie. Avec en premier lieu, la brusque disparition du batteur Darius Minwalla l’année dernière à 38 ans, alors que le groupe était en plein processus d’enregistrement. En mars dernier, c’était au tour de leur ancien bassiste, Joe Skyward, de s’incliner face à ce maudit crabe. A cela s’ajoute à la liste des principaux intéressés un divorce et un remariage.

Même si les parutions d’albums se sont espacées ces dernières années – le précédent opus remontant à cinq ans -, The Posies demeure une valeur sûre du giron Power Pop. Leur songwriting supérieur est fait du même bois noble que les institutions Teenage Fanclub et The Pernice Brothers. Avec à leur actifs quelques intemporels tels que Dear 23 (1990), Frosting on a Beater (1995) ou encore Every Kind Of Light (2005), les complices Auer et Stringfellow sont devenus des musiciens reconnus par leur pair, dont les services ont été sollicités chez des pointures telles que Big Star ou encore REM. Justement, Solid States serait à ce titre leur Up, cet étrange disque où la bande à Michael Stipe, réduite au trio suite au départ de leur batteur Bill Berry en 1996, s’embarquait dans des aventures électroniques inédites. Les similitudes avec Solid States sont troublantes étant donné que Auer et Stringfellow ont étroitement travaillé sur ce nouvel album avec le producteur Frankie Siragusa, devenu depuis leur nouveau batteur sur scène.



Solid States, est un disque donc en rupture avec les guitares, où claviers et boites à rythme y occupent une place prépondérante. C’est peu dire que les fidèles vont dans un premier temps être désarçonnés par ces onze nouvelles compositions. D’autant que la transition se fait un peu brutalement avec le peu convaincant “We R Power”, où la greffe entre verve rock n’roll et des sons de claviers quelconques ne prend pas. Bien que sympathique, « Scattered », avec son intro de mellotron à la « Strawberry Fields », ne parvient pas vraiment non plus à renverser la vapeur. Il faut attendre la quatrième plage, le tout bonnement magique « Titanic », pour que le groupe échappe enfin au naufrage, sauvé par les harmonies vocales incomparables du duo avec en renfort une chorale d’enfants.

Le groupe alors reprend le cap, et aligne une succession de morceaux inspirés où l’on retrouve ce songwriting limpide qui reste leur signature – l’orchestré « Squirrel Vs Snake », ou encore « March Climes ». Leur art de la mélodie cristalline se frotte à quelques surprenantes mues, tel les teintés de R’N’B « The Definition » et « Rollercoaster Zen ». Autre transformation plutôt réussie, le va tout analogique de « The Plague » pourrait pourtant en terme d’énergie, tenir tête à n’importe quelle chanson électrique de l’ère grunge, Frosting the Beater. Tout n’est pas bon à prendre sur Solid States (on rajoute aux trois premiers morceaux “M. Doll”, tentative dansante ratée), mais l’écriture confiante et les harmonies vocales incomparables de la paire nous guident dans cette nouvelle direction empruntée par les auteurs d’une des plus belle chanson de l’univers, “Any Other Way”. A moins que ce ne soit “Suddenly Mary”.