Après un hiatus de cinq ans, l’esthète américain nous tire vers de nouvelles hauteurs  sous l’égide  de la sunshine pop. 


 

Une délicieuse anomalie. C’est la pensée qui nous traverse l’esprit, à l’évocation du nom de Brent Cash. Ce multi-instrumentiste américain originaire d’Athens (Georgie) semble vivre dans une bulle (de savon) spatio-temporelle, en l’occurrence celle d’une vision fantasmée de la pop des années 60 où tout ne serait que harmonies, élégance et violons…

A son actif, deux albums d’un raffinement pop absolu sortis sur le label allemand Marina, How Will I Know If I’m Awake (2008) et How Strange It Seems en (2011), ou l’évidence d’un songwriting supérieur inscrit dans le sillage d’une Sunshine Pop qu’on croyait disparue à jamais. Avec en ligne de mire, des figures du genre telles que The Association, Harpers Bizarre, The Millenium ou encore le maestro de la 5e dimension baroque Jimmy Webb et bien sûr l’éternel gentleman Burt Bacharach… Oui, le niveau est assez haut. Car ils sont très peu aujourd’hui à pouvoir prétendre se mesurer à de telles pointures. A l’instar d’un Joe Pernice et Sean O’Hagan (The High Llamas), Brent Cash rentre dans ce club aristocratique très fermé.

Une fois de plus complètement composé, arrangé et produit par notre romantique stakhanoviste, The New High, renouvelle avec brio son eden pop. Rassurez-vous, notre homme n’a pas viré post-punk, mais l’album prend une hauteur différente en usant de subtiles nuances. Déjà, la photo de couverture du disque tranche avec l’esthétique surannée des prédécesseurs et nous donne quelques indices : elle dévoile la perspective d’un gratte-ciel moderne dont les lignes architecturales sont droites et vertigineuses, tandis que d’étonnantes fenêtres aux bords colorés se posent en rupture… cette vision coïncide avec une volonté de marier épure, classicisme et fantaisie.

Si les orchestrations, un quatuor à cordes,  sont bien toujours là – et sublimes !-, elles se font moins omniprésentes, l’aspect “luxuriant” est atténué – dès la chanson titre “The New High” teintée de mélancolie et qui ouvre l’album. De fait, les mélodies, mieux soulignées, gagnent en espace. Notamment sur “Out For Blood”, certainement la pop song la plus groovy jamais enregistrée par Cash, un pure délice avec ses choeurs douillets et ses arpèges de guitare classieux. Autre modèle de concision, “The Wrong Thing”, et ses effets sonores, clin d’oeil appuyés au Smile de Brian Wilson…  La place donnée au piano, au coeur des fondations, se rapproche ici des productions en solo de Todd Rundgren, période Runt et Something/Anything.

Une voix caressante comme de la soie

La voix de Brent Cash, caressante comme de la soie, tranche avec des paroles pas si nostalgiques, mais plutôt étonnement porteuses de désillusion :  « Everyday the tango beckons but we dance along a knife, and we leave behind all sensibility“ sur “The Wrong Thing”. Ceci dit, pas de quoi déprimer tout le long de ces douze titres tant The New High réserve son lot de merveilles. Il faudrait mentionner  “Edge of Autumn”, qui pourrait parfaitement sortir du chapeau melon de Neil Hannon, “All in the Summer”, folk song aristocratique orné d’arrangements splendide, ou encore “Dim Light”  et son mellotron psychédélique qui évoque forcément « Strawberry Fields Forever ». Quant à « The Way We Were », sa grâce tutoie celle d’un Colin Blunstone…

Après deux albums dont l’atout charme reposait beaucoup sur son caractère sunshine pop suranné,  The new High a tout pour devenir un classique du genre. Et si il existe encore un rêve américain auquel on souhaiterait souscrire, ce serait bien celui de Brent Cash.

Marina Records /Differ-ant – 2017
Producteur : Brent Cash

L’album est en écoute via ce lien : www.marinarecords.com/ma81.html

 

Tracklist :

  1. The New High
  2. Out For Blood
  3. The Wrong Thing
  4. Every Inflection
  5. Dim Light
  6. The Way You Were
  7. I’m Looking Up
  8. Edge of Autumn
  9. All In The Summer
  10. The Dusk Song
  11. Fade/Return
  12. Perfection Comes Near