“La beauté est dans la rue” disait le slogan de mai 68 *. Mais après une absence de 21 ans, Mark Gardener et son combo culte shoegazy sont bel et bien à la rue. Dommage.

Les uns après les autres, les cadors du mouvement shoegaze des années 90 rechaussent les crampons. Tous sont bien décidés à porter une dernière estocade ; un dernier arpège vaporeux pour passer à la postérité. Les pédales d’effets, les chambres d’échos et de réverbérations, les guitares aux accords brumeux et rêveurs sont ressortis des poussiéreux cartons, et remis au gout du jour avec tact et réussite. La série est en cours et ne demande qu’à s’allonger. Il y a peu : Jesus & Mary Chain, Slowdive, maintenant Ride, après une furtive tentative de Lush, My Bloody … c’est déjà fait !… bref on guette le prochain. Un petit Pale Saints serait le top !

Mais revenons à l’actualité. L’histoire du jour s’inscrit-elle dans la droite ligne des précédentes ? Plusieurs écoutes attentives (par acquis de conscience) ne moduleront pas notre première impression. Ce retour accouche d’une souris. Dans cette vague de reformation c’est même le premier plantage. Pourtant … sur le papier (et dans les étoiles) tout concordait. Ce retour promettait vraiment. Ce n’est pas faute d’y avoir mis les moyens et les bonnes intentions : la formation est au complet, sa section rythmique basse-batterie est reconstituée (Loz Colbert, Steve Queralt) et son duo  Mark Gardener/Andy Bell au chant et à la guitare. Un producteur de renom Erol Alkan (une pointure ayant travaillé avec Franz Ferdinand) et un ingénieur du son bien connu – Alan Moulder – pour le mixage, sont de la partie.

Le passé honorifique des musiciens d’Oxford nous rappelle un tas de bons souvenirs ; Ride a régné sur la période 90-92 avec autorité : par sa puissance musicale, sa jeunesse et deux albums étalons – Nowhere et Going Blank Again. Weather Diaries s’écoute, mais sans passion. Il n’est qu’un ordinaire passe-partout musical enfonçant des portes déjà ouvertes ailleurs ou par d’autres.

Sans voir déferler un mur du son, on espérait surfer sur des chansons au tempo puissant et aux mélodies marquées. 21 ans de maturation aurait dû produire des compositions avec du corps ! D’autant plus que leurs textes semblent être d’humeur belliqueuse. Analysons brièvement cette  situation de crise ! La reprise de contact augure pourtant du meilleur. « Lannoy Point » est une belle entame, un parfum de mélancolie s’y dégage, dans la lignée du dernier Slowdive, de conséquentes séquences de guitares envoutantes et de synthétiseurs tracent leurs chemins et laissent de belles empreintes. « Charm Assault » est ambivalent : dans ses moments calmes il charme totalement avec ses guitares cristallines et ses ambiances spatiales ; quand à l’inverse, avec son refrain style section d’assaut, il fait le job mais à l’arrache, et dans une posture ‘très beaucoup forcée’ !

« All I Want » plie sous les effets (un petit jeu de studio électro sur les voix). Il est évanescent par instant et très moderne par d’autres, et fait ce qu’il peut pour nous attirer à lui. Bien superficiel et très vite lassant ! « Home Is a Feeling » recherche les nuages de la dreampop. Il ne tutoie pas grand-chose et s’élève péniblement. « Weather Diaries » brûle ses deux vies en deux temps : d’abord dans une ambiance mélancolique et méditative – une pensée pour la planète – puis dans une avalanche ravageuse de guitares saturées et noisy – une crainte pour l’écologie menacée. Musicalement c’est une efficace piqûre de rappel. « Rocket Silver Symphony » mange à tous les râteliers, « Lateral Alice » peine à trouver sa mélodie malgré son tempo énervé ; Jesus & Mary Chain a fait mieux il y a peu. Reste « Cali » ; sa power pop explose rapido. Efficace, le titre s’affine au fil de son écoute par un jeu varié d’ambiances (synthés et guitares) et par un travail sur les voix. Reste le cas épineux des trois derniers titres (chrono en main : 13 minutes !). A différents degrés chacun laisse au mieux indifférent, au pire une impression de remplissage (‘prime’ à l’affreux « White Sands »).

A quoi donc se raccrocher ? Hum ! … Restera très certainement leurs prestations live pour faire passer la pilule. Tous ces titres gagneront surement de l’épaisseur en concert. Mais on espérait tellement plus de ce retour.

 

∗ en référence à l’affiche de mai 68, qui a inspiré la pochette de l’album Wheather Diaries

https://www.wichita-recordings.com/home

https://www.facebook.com/RideOX4/

 

Tracklisting :

  1. Lannoy Point
  2. Charm Assault
  3. All I Want
  4. Home Is A Feeling
  5. Weather Diaries
  6. Rocket Silver Symphony
  7. Lateral Alice
  8. Cali
  9. Integration Tape
  10. Impermanence
  11. White Sands