Le dandy londonien Peter Perrett – ancien membre des mythiques The Only Ones – retrouve avec brio le chemin des studios, 21 ans après. 


Peter Perrett nous tourne le dos sur la pochette de son premier album solo. Plusieurs raisons à cela peut-être. Primo, il a perdu l’habitude de regarder en face son public : sa dernière prestation discographique date de 1996. Deuxio, son ‘grand âge’ aidant – 65 ans ! – sa mouvementée et impétueuse carrière est déjà loin derrière lui. Que peut revendiquer ou espérer Peter Perrett aujourd’hui ? Se faire plaisir. Reprendre contact avec ses instruments, chanter de nouveau au grand jour – et plus seulement devant sa glace – et composer des morceaux comme au bon vieux temps. Avec quelques nuances tout de même ; car aujourd’hui les retrouvailles ont partiellement lieu en famille – il est entouré de ses fils Jamie et Peter Jr. La donne a donc changé ; plus de mauvaises fréquentations à craindre, les comportements suicidaires sont bannis ; les fistons veillent au grain. Car Peter Perrett est un rescapé, voire un miraculé. Cramé par l’abus de substances illicites il échappa d’un rien au pire … mais rien à regretter. Comme le dit la chanson des pierres roulantes : “It’s Only Rock ‘n Roll (But I Like It)”.

Début seventies, Englands Glory est son premier combo. Il évolue alors en période glam. De nombreux yeux scrutateurs se braquent déjà sur sa forte personnalité, malgré le quasi néant des enregistrements. La ‘glorieuse Angleterre’ n’est déjà plus, qu’en l’an 1977 – année de révolte -il forme sa deuxième clique – les mythiques The Only Ones. Le rejoignent pour le meilleur : le guitariste John Perry, Robert Hunter, Mike Kellie – batteur de Spooky Tooth – et le bassiste Alan Mair. Un 1er single fédérateur sort en 1977 ‘’Lovers of Today/Peter the Pets’’. Peter plonge alors direct dans le grand bain du rock’n’roll. Son groupe tracera rapidement son chemin, marquera les esprits et sera quelques années après, une influence notable pour certains (des Replacements à House of Love). Mais à défaut d’exploser les ventes, la triplette – tirée au cordeau – The Only Ones, Even Serpents Shine, ou à un degré moindre Baby’s Got Gun enregistrée entre 1978 et 1980 sont trois étapes recommandées pour tout pèlerin amateur de rock soigné, aérien, lyrique et tendu. Un morceau à retenir ? Of course : l’iconique et intemporel single “Another Girl, Another Planet”.

Mais Peter Perrett et son groupe ne toucheront jamais le jackpot. Perrett plongera même à pic dans les affres de la dope, puis inévitablement des dissensions éteindront les derniers soubresauts de vie de groupe ; le clap de fin tombera comme un couperet en 1981.

Peter Perrett émerge une décennie plus tard. Il réapprend le b.a.-ba du musicien, forme en 1994, son nouveau groupe The One, et publie un 4 titres. Suivi en 1996 par l’album Woke up Sticky, sa renaissance en solo.

Deux décennies parties en fumée, et Peter Perrett sort aujourd’hui de son escarcelle son premier album solo. Il n’est plus ‘le seul’, The One est banni de son vocabulaire. How The West Was Won est un réveil en grande pompe. « Good Bye Lenin » aurait pu être aussi un titre ! Ces nouvelles compositions ne déçoivent nullement. Sa voix languide fait de nouveau mouche. Il l’a beaucoup ménagée et travaillée. Un vent de jeunesse, de lyrisme et d’ironie souffle sur ces compositions. Les textes variés, politiques, personnels démultiplient l’intérêt de ce retour. La désillusion, la rédemption et l’amour ont aussi leurs partitions. La production de Chris Kimsey (The Rolling Stones, Killing Joke, Psychedelic Furs) est impec. Les compositions sont solides, les mélodies accrochent, Perrett semble avoir pioché les meilleurs dans un choix que l’on imagine plus étoffé, son matériel ne sent jamais le ranci, le musicien s’est  transposé en 2017 sans acclimatation apparente, ce 33 tours est un disque de rock à l’aise avec ses guitares et bien dans son temps. Le musicien a trouvé le relâchement nécessaire si l’on peut dire.

La civilisation de masse, l’exposition médiatique ont leur hymne. “How The West Was Won”, que lance Perrett de sa voix traînante, a l’honneur d’ouvrir les débats, nasillarde et si caractéristique ; elle partage sa ligne avec Lou Reed. Le son des guitares est glissé. Ce premier titre éponyme est tout bon et annonce un excellent album de rock (maintenant on le sait, à l’écoute de ce titre on le pressentait).

L’amour de sa vie (Xena Kakoulli) a le plaisir d’une belle attention : deux ritournelles de hautes voltiges – “C Voyeurger,” et “An Epic Story” lui sont dédiées. Outre le plaisir des mots, sa muse en retira aussi le plaisir des sons. Les noces d’or se profilent. Une performance pour un rockeur ? !

“Troika” est un petit bijou de pop romantique.  « I’ve always be a part of you » se renvoient en cœur Peter Perrett et Jenny Maxwell. Leurs petites douceurs nous touchent. Le ton général de l’album ne recherche pas les décibels à tout prix. Le tempo se cale entre un rock confortable ni trop mollasson ni trop énervé. Se distinguent néanmoins quelques morceaux moins capitonnés : “Living In My Head » tâte le terrain du psychédélisme quand “Something In My Brain” s’enfonce plus profondément dans cette direction, les guitares balisent plus nettement ce terrain morcelé. “Take Me Home” raccompagne tout ce beau monde avec solennité. Dans la joie, la bonne humeur et au son des derniers riffs de guitares, de quelques chœurs féminins et angéliques (que l’on retrouve sur plusieurs autres morceaux), au son d’une dernière frappe de batterie, toutes et tous déroulent le tapis pour un dernier tour de chant nostalgique.

L’ouest a gagné OK, mais c’est officiel, Peter Perrett n’est plus à l’ouest.

 

 

Tracklisting :

  1. How The West Was Won
  2. An Epic Story
  3. Hard To Say No
  4. Troika
  5. Living In My Head
  6. Man Of Extremes
  7. Sweet Endeavour
  8. C Voyeurger
  9. Something In My Brain
  10. Take Me Home

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