Somptueux retour en solo de l’ex leader de Shack et Pale Fountains, sous un ciel radieux.


 

On va encore prendre le risque de se répéter, mais c’est pour la bonne cause… C’est l’histoire d’un songwriter méconnu de Liverpool, qui a pourtant écrit quelques une des plus belles pages de la pop britannique…

Comme tout fidèle de Michael Head que nous sommes, chaque sortie d’un nouvel album est attendue fébrilement, comme si c’était le dernier rendez-vous. Ce second opus solo de l’ex leader de Shack et des Pale Fountains – vingt ans après The Magical Words of The Strands ! – n’y fait pas exception. Car cette musique relève de l’intime pour nous, trop de passion est en jeu. Tout le long de ses 35 ans de carrière, le “beautiful loser” (comme disent si bien les anglais) de Liverpool a traversé son lot d’épreuves, quelques hauts tout de même, et pas mal de bas : longues absences, changements incessant de labels, bandes perdues, addiction à l’alcool, aux drogues, cette spirale infernale…

Réputé casanier, l’homme de plus donne rarement des concerts hors de son Mersey natal – tout au mieux Londres. Ce qui ne découragent pas pour autant certains admirateurs à payer le prix pour aller à sa rencontre. Tel fut notre cas voilà une dizaine d’années pour un concert de Shack organisé dans la salle universitaire de London Union. Ce fut un concert déconcertant, oscillant entre sublime et pathétique (Michael Head traversait visiblement une sale période). Jonglant entre lumière et abysse, ce qui se jouait sur scène ce soir là symbolisait finalement avec le recul parfaitement le talent génial de Michael Head et son penchant autodestructeur, malgré lui.

Une discographie qui donne le vertige

Et puis les périodes difficiles passent, mais les disques restent. Car en dépit des coups du sort, Michael Head, ce miraculé, a su préserver l’essentiel, une écriture d’une qualité et constance qui défit toute logique rationnelle. Une discographie qui donne de plus en plus le vertige, régulièrement ponctuée de chefs-d’oeuvre : l’inaugural Pacific Street des “Palies” en 1983, merveille pop néo-romantique, puis avec Shack en période baggy, Waterpistol (1991) ou la britpop aguicheuse d’HMS Fable (1999), l’étoffe baroque très ambitieuse de Here’s Tom With the Weather (2003)… et en solo The Magical Words of The Strands (1997), réhabilité l’année dernière. Tout au long de ses albums, on retrouve cette obsession pour la pop psyché/baroque de Love et les Byrds, déclinée avec l’âme d’un scouser, d’où ce caractère quasi intemporel de ses chansons, porteuses d’une élégance naturelle.

Onze après l’ultime album de Shack, …On the Corner of Miles and Gil, et trois ans après une excellente remise en forme, le mini-album Artorius Revisited (sorti sur son propre label Violette Records créé spécialement par un fan), voici donc le long format tant attendu. Adiós Señor Pussycat, voit Michael Head renouer en studios avec le producteur Steve Powell et la musicienne Helen Caddick aux arrangements cordes, tous deux crédités sur son magistral premier et magistral album solo, The Magical Words of The Strands sorti jadis sur le label Village Vert.

Ce qui ressort de ces treize mélodies surannées, c’est une sérénité inédite. La cinquantaine bien entamée, Michael Head semble pour la première fois épanouie et son écriture s’en ressent. Si le Ep Artorius Revisited se distinguait par sa sensibilité acoustique prononcée (sans toutefois perdre de vue les arrangements de corde et de cuivre), Adiós Señor Pussycat contient plus de compositions rythmées et d’électricité, en l’occurrence celle de ces bonnes vieilles Rickenbaker. Un festival de pop songs radieuses (« Overjoyed », « Rumer », « Josephine »…), de guitares douze-cordes électrique et acoustique (« Workin’ Family », le traditionnel « Wild Mountain Thyme » revisité à la sauce psyché), instruments à vents et cordes mains dans la main (“What’s The Difference”, clin d’oeil appuyé à Love). Tous les élément sont là que pour que les retrouvailles soient à la hauteur. Et effectivement Adiós Señor Pussycat vole haut, très haut au dessus de la concurrence.  Quelques exceptions assombrissent un peu ce tableau serein, du moins le temps de deux chansons : la mélancolie baroque et hantée de « Lavender Way » ainsi que « Winter Turns to Spring » au piano très personnelle qui évoque la bataille perpétuelle du songwriter avec ses vieux démons. Mais aussi d’un nouveau départ.

Ce retour en grâce après tant d’années résonnera forcément pour les anciens avec le No Song No Spell, No Madrigal de The Appartments, sorti voilà deux ans. Non, corrigeons, il ne s’agit pas d’un retour en grâce, car celle-ci n’a jamais quitté cette forte tête qu’est Michael Head. Adiós Señor Pussycat est juste un nouveau départ, avec cette fois un horizon radieux. Vite ! Une date parisienne pour 2018 !

Label : Violette Records / 2017

http://www.michaelhead.net/

Tracklisting : 

  1. Picasso
  2. Overjoyed
  3. Picklock
  4. Winter Turns To Spring
  5. Workin’ Family
  6. 4&4 Still Makes 8
  7. Queen Of All Saints
  8. Josephine
  9. Lavender Way
  10. Rumer
  11. Wild Mountain Thyme
  12. What’s The Difference
  13. Adios Amigo