Avec son air nonchalant et sa dégaine d’ado attardé, Kelley Stoltz infuse à sa pop sixties quelques nappes synthétiques retrofururistes. Mais pas que. Retour sur sa dernière livraison en date.


 

Maitre de l’assemblage, Kelley Stoltz s’évertue à brasser des sons, des humeurs, ici une pointe de morosité issue de son enfance passée dans le Michigan, là un échantillon de brume glaciale conservé de son passage à la guitare chez ses idoles de Echo & The Bunnymen. Le tout est allongé par une pop raffinée d’influence sixties, de la délicatesse des Kinks à l’éclectisme débridé des Beatles. Rien que ça. Et curieusement, il s’en dégage une vitalité solaire, insouciante, peut être celle qui rythme désormais sa vie californienne, lui qui avoue préférer rester à la maison pour triturer ses instruments plutôt que de partir sur des tournées éreintantes. A 47 ans et supporté par une poignée d’illustres fans (Jack White, qui l’a signé sur Third Man Records pour un albuum, Sixto Rodriguez, ou Ajourd’hui John Dwyer chez son label Castle Face Records), le multi instrumentiste vante sa totale liberté de création, compose d’ailleurs pour tous les instruments, et parcoure à l’envers les courants musicaux qui ont fait sa vie (ainsi que la précédente) pour les recracher sur « Que Aura », suite élégante du bizarroïde « The Scuzzy Inputs of Willie Weird ».

A l’image d’un Mikal Cronin (sur ses albums solos), il n’y a pas de coup d’éclats sur le nouveau Kelley Stoltz, juste une suite de moments délicieux, parfaitement accordés les uns aux autres, et dessinant avec parcimonie la variété des envies sonores de son auteur. « I’m Here For Now » avec sa voix gorgée d’echo et son refrain entêtant, semble taillée pour faire le hit, mais est rapidement surpassée par « Get Over » : basse moelleuse, clavier vintage, décontractée et entraînante, elle vous fera étrangement dodeliner de façon quasi imperceptible.

Enrobé de textures synthétiques, « Que Aura » navigue sur quelques titres entre R&B (« Looking For A Spark ») et disco (« Empty Kicks », jolie romance à l’impayable gimmick guitaristique de la fin des années 70), et, bien que luttant contre, finit toujours revenir, un peu («Tranquilo ») ou beaucoup (« For You », « Feather Falling ») sur ses influences 80’s, sur ce qui l’a construit, adolescent.

Outre l’invariable délicatesse de ses arrangements, il semble avoir porté un intérêt particulier aux lignes de basses, savoureuses de bout en bout. Et bien évidemment aux mélodies, habillées de ce qu’il faut de touches synthétiques et autres effets superflus. Quand il y en a trop, c’est que l’humeur l’exigeait. Et c’est certainement là que réside le charme de Kelley Stoltz : nous envoyer des instantanés de ses émotions, sans prétention, sans chercher à séduire, se montrant tel qu’il est, ado bientôt quinqua, une tasse de café à la main, les yeux embués d’avoir encore passé la nuit à rechercher sa rengaine idéale.

 

Castle Face Records / Differ-ant / 2017

https://differ-ant.fr/

 

Tracklisting:

  1. I’m Here For Now
  2. Tranquilo
  3. Get Over
  4. Feather Falling
  5. No Pepper For The Dustman
  6. Looking For A Spark
  7. Same Pattern
  8. For You
  9. Possessor
  10. Walking Against The Greenlight
  11. Empty Kicks