Il y a d’abord ce V en granit sur la pochette, en signe de victoire notoire. Puis le titre en chiffre romain, sobre mais tout aussi symbolique, du cinquième opus de Wooden Shjips.


Il y a d’abord ce V en granit sur la pochette, en signe de victoire notoire. Puis le titre en chiffre romain, sobre mais tout aussi symbolique, du cinquième opus de Wooden Shjips. Cinq, c’est enfin le nombre d’années aussi nous sépare de Back To Land précédent album du quatuor psyché de la West Coast. Il faut dire que la tête pensante du groupe Erik « Ripley » Johnson, s’était consacré durant ce temps à son projet parallèle, Moon Duo (avec sa compagne Sanae Yamada qui vient d’ailleurs de sortir un excellent nouvel opus de Vive La Void), enchaînant trois albums et des tournées à répétition des deux côtés de l’Atlantique. Avec V, Omar Ahsanuddin, Dusty Jermier, Nash Whalen et Ripley Johnson proposent sept compositions en forme d’échappatoire à la tension ambiant, sept titres à la tonalité délibérément “estivale”. On est effectivement loin du boogie-kraut rêche des premiers albums, mais plus près du trip californien enfumé de West (2011), notamment sur la bulle pop folky « Already Gone ». Toutefois, sous cette plénitude apparente, le quatuor space rock SF (pour Science-Fiction, mais aussi San Francisco, leur fief d’origine, bien que Johnson vit désormais à Portland)  ne parvient pas à cacher une anxiété sous-jacente, un lâcher-prise vers l’inconnu, vers un No Man’s Land. Les thèmes ont beau tendre vers le ralentissement et la contemplation, une menace plane lors de leurs improvisations délirantes. Comme sur « Eclipse », avec l’intrusion d’un saxophone halluciné en mode cosmique “Space is the Place”. Ou encore deux pistes plus loin sur “Red Line”, où ce sont cette fois les guitares stellaire qui ont remplacé le sax et troublent en arrière-fond ce paysage paisible d’apparence. Même impression sur « In The Fall », ligne de basse en “fuzzion”, et puis cette sensation effectivement de chute, mais une chute douce, presque en lévitation… « Ride On », vibrant finale de sept minutes sur un piano ample et mélancolique dérivant doucement un blues rouillé du plus bel effet… Au bout de cette balade à l’issu incertaine, la victoire est pourtant assurée pour Wooden Shjips.

Thrill Jockey / Differ-ant – 2018

www.woodenshjips.com/

woodenshjips.bandcamp.com

Tracklisting :

  1. Eclipse
  2. In The Fall
  3. Red Line
  4. Already Gone
  5. Staring At The Sun
  6. Golden Flower
  7. Ride On