Cinquième album des tauliers de Dayton en 18 mois de temps : l’hyper prolifique Robert Pollard soigne brillamment ses stats.


Robert Pollard est un hyper actif. Son saisissant profil Discogs en atteste (plus de 100 LP sous divers alias et formations). Son petit dernier – Mirrored Aztec est son 30e LP et on attend déjà son suivant Styles We Paid For pour novembre !
Adepte des concerts généreux, il a par exemple donné le 31 décembre 2019 à Los Angeles un marathon de plus de 4 heures basé sur un set-list de 100 chansons. À titre personnel sa collection de vinyles est impressionnante (huit à neuf mille 33 tours et quelques milliers de 45 tours avec un faible pour les premiers présages de Krautrock ou de musique Prog). Bref pour son public c’est le jeu de piste mais aussi et surtout la débrouille (pour économiser). Pour cerner et définir en quelques mots le professeur (son ancien métier) on dira qu’il respire la musique.

Cette discographie hyper fournie a pourtant bien failli se comptabiliser à quelques références. Les premières années de l’aventure G.B.V. débutée en 1983 ont été difficiles et confidentielles. Ces premiers LP autoproduits pourtant pressés à peu d’exemplaires ont eu grand mal à s’écouler. A la sortie de Propeller en 92, Pollard décide même de jeter l’éponge. C’est le boss du label indépendant Scat Records grand fan qui ira le rechercher. Reformé en 93, ils enchaîneront avec Vampire on Titus qui leur ouvrira enfin les portes de la reconnaissance. Beaucoup de musiciens graviteront ensuite autour du pivot Robert Pollard. L’histoire du groupe se mesure et s’apprécie aux différents line-up qui l’ont jalonnée : celle des années fastes  (Tobin Sprout, Greg Demos, Mitch Mitchell et Kevin Fennell) avec la suite royale (Bee Thousand, Alien Lanes, Under the Bushes Under the Stars) ou celle avec Doug Gillard (Mag Earwhig!, Earth Quake Glue).

Le natif de Dayton (Ohio) est depuis ses débuts un adepte du 4 pistes, un chantre de la musique indie rock et des compositions courtes estampillées Lo-Fi empilées sur un même opus. Egalement utilisateur chevronné des «quatre P» du rock (punk, pop, prog, psych), GBV semble à chaque nouvel opus faire appel aux mêmes recettes musicales. Néanmoins, le plaisir de découvrir de nouvelles compositions demeure littéralement addictif. GBV semble se renouveler dans la constance ! Le détail est très subtil. Les dernières années très fastes (comme toujours) sont le fait des guitaristes Doug Gillard et Bobby Bare Jr., du bassiste Mark Shue, du batteur Kevin March et de Robert Pollard. La fine équipe bien rodée a depuis empilé les albums de très bonne facture (mention plus plus pour Space Gun (2018), Warp and Woof (2019) ou Sweating The Plague (2019)). Mirrored Aztec et ses 18 nouvelles compositions font partie du haut du panier.

L’as du rock alternatif revient ici aux fondamentaux. Cette trentième galette est truffée d’excellentes mélodies power pop portées par de solides riffs de guitares. La production de l’américain Travis Harrison – un régulier du quintet de l’Ohio – est aussi impeccable.  
Les plages sonores bien rock s’enchainent sans fioritures ni temps morts : de l’excellente ouverture « I Think I Had It. I Think I Have It Again » (aux paroles second degré très jouissives que l’on braillerait bien en ce moment à son patron tous les matins avec une six cordes en bandoulière !) au bigrement pop « Bunco Men » ou au très tendu et agité « Citzens’ Blitz ».
Belle entrée en matière que celle-là ! Cette face A est d’ailleurs un sans-faute. Elle est pleinement complétée du séduisant  « To Keep an Area » au parfum power pop seventies à la Big Star ou de « Easier Not Charming » aux intonations plus pop. Se glisse également la plus déstructurée et expérimentale  « Math Rock » où sont insérées des bribes de chants de la chorale d’élèves de l’école School of Rock Montclair où Kevin March (le seul membre du groupe à avoir un métier en dehors du groupe) enseigne depuis 2013.

La face B de Mirrored Aztec avec sa belle pochette illustrée de naïades psychédéliques est tout aussi dynamique et contient son lot de fastes moments (à l’exception du plus banal  « The Best Foot Forwards »). Le furieux et abrasif « Biker’s Nest », la démonstrative « Thank You, Jane » (hommage à l’implication de Jane Fonda en faveur de l’environnement), le premier single extrait « Haircut Sphinx » toutes guitares en avant et l’irrésistible conclusion « Party Rages On » sont encore de grands moments.

Depuis 1983, Pollard enchaîne sans sourciller et avec un appétit jamais démenti  les enregistrements. Combien de jeunes pousses signeraient aujourd’hui pour un premier album rock de ce calibre ? Les vétérans de Dayton marquent donc furieusement le coup avec ce 30e LP. Une sacrée performance si on s’y arrête un peu.

Gbv Inc.  Rockathon Records  / 2020

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Tracklist :

  1. I Think I Had It. I Think I Have It Again
  2. Bunco Men
  3. Citizens’ Blitz
  4. To Keep An Area
  5. Easier Not Charming
  6. Please Don’t Be Honest
  7. Show Of Hands
  8. Lip Curlers
  9. Math Rock
  10. Transfusion
  11. Biker’s Nest
  12. A Whale Is Top Notch
  13. I Touch Down
  14. Haircut Sphinx
  15. Screaming The Night Away
  16. Thank You Jane
  17. The Best Foot Forwards
  18. Party Rages On