L’écrivaine Chloé DELAUME signe une autofiction musicale pop contemporaine remplie d’émotions.


Elle écrit à haute voix, considérant qu’une phrase ne peut pas être valide si elle n’est pas prononcée à haute voix, elle utilise un gueuloir à la Flaubert.

On comprend ainsi qu’il n’était pas nécessaire pour Chloé DELAUME de franchir un pas supplémentaire pour créer cet opus musical intitulé « Les fabuleuses mésaventures d’une héroïne contemporaine ». Il suffisait tout simplement d’ouvrir la porte de ce bureau et de laisser pénétrer dans cette pièce la musique et les arrangements synthpop de Eric « Elvis » Simonet et de Patrick Bouvet.

Copyright photo : Philippe LEVY

Figure de l’autofiction contemporaine, Chloé DELAUME, celle qui est opposée au « papatronat » et souvent l’alliée de celles qu’on qualifie à tort de « féminazie »,  a signée plus de trente ouvrages, romans, poésies, pièces de théâtre, essais, paroles et participé à de nombreuses autres expressions artistiques : performances, créateurs de mode et vidéos. Son dernier roman, Le cœur synthétique, aux éditions du Seuil, vient cette semaine de se voir décerné le prix Médicis 2020.

Avec sa baguette musicale Chloé DELAUME devient une fée miroir.

Les premières écoutes nous invitent à rejoindre les aventures urbaines d’Adélaïde (touchante référence au tube éponyme d’Arnold Turboust), une quadra parisienne qui se retrouve au pays des célibataires. Véritable miroir musical de son roman Le cœur synthétique sur la loose sentimentale, la solitude, qui fait rire de ce qui fait pleurer. Un roman de copine, un hommage sororal, autant qu’une comédie autour du célibat.

Pour comprendre plus simplement ce qu’il nous est proposé, alors que certains font un livret qui accompagne un disque, l’autrice à inversé les usages, en écrivant les paroles et en assemblant la musique de son livre.

Chaque titre présenté comme un chapitre, nous balade full sentimental. Nous sommes émus par les souffrances de cette « femme seule et sous lithium », rongée par la peur de la solitude et de la vieillesse, une Adélaïde tiraillée entre l’affirmation de son autonomie et son désir de pouvoir encore séduire. Mais ses rêves elle les voudrait aussi légers que sa vie est pesante. Elle devient attachante, amusés par ses « badaboums » pour désamorcer par l’humour la misogynie et ne pas tomber dans l’hystérie.

Écoute après écoute se tourne le miroir et laisse apparaitre le visage de l’envouté, le nôtre

Oui, vous allez vous voir, passer de l’autre côté du miroir, devenir ce personnage ou l’un de ceux qui voit passer la vie d’Adélaïde. L’un de ceux qui voudrait la séduire, l’aimer ou l’inviter à boire un verre sur cette terrasse du 11ème.

Alors que nous étions spectateur compatissant de cette vie parisienne ordinaire qui ne trouve pas l’amour au deuxième feu rouge à gauche, nous rentrons peu à peu et plus intimement dans cet imaginaire contemporain, qui devient introspectif.

Titre après titre nous découvrons que l’autrice efface son personnage « de mademoiselle en faïence » pour laisser apparaître le nôtre. Nous n’écoutons plus Adélaïde et son « âme en papier de verre », ce sont désormais les images et les sons intimes de notre propre univers de vie que l’on vous sert.

C’est à ce moment-là, que cet album devient plus qu’une photographie musicale ou qu’un manifeste, il devient pour nos nuits blanches un habile et brillant générateur d’atmosphère.    

Vous allez bien entendu vous délecter des textes de cet album. Mais ils n’auraient pas une résonance émotionnelle aussi importante si l’écriture musicale n’avait pas été aussi soignée. Car derrière ce parti pris « pop 80 » qui est cohérent et amusant (années où Adélaïde « mangeait de nombreux amoureux »), se cache une écriture à la simplicité noble et non prétentieuse qui crée pour cette voix de sirène un bel écrin.

On appréciera plus particulièrement « RTT à Trastevere », ode dépressive au tourisme italien, un excellent « Cartomancie & Cie » et ces première paroles « peut être que l’on a droit à l’amour qu’un nombre de fois définis » qui sera remixé très prochainement par le groupe electro-pop The Penelopes, un « perdues d’avances » qui propose des beats et 13700 femmes célibataires à Paris et une «Fin de partie » éphémère et amère pour une Adélaïde qui n’a pas envie de « passer sa vie à s’oublier ».

Si vous n’avez pas le temps d’écouter et de réécouter cet album à plusieurs reprises, passez votre chemin. Mais vous pourriez regretter de ne pas vous être laissé emporter et envahir par ce « conte à rebours musical » signée Chloé Delaume, qui saura vous transporter là il fait bon voyager : en vous.

Offrez-vous ce temps qui vous vous appartient et ouvrez vos oreilles et vos synapses, comme vous ouvrez un livre dont on aime caresser les pages avec envie et émotion.

Chloé DELAUME « Les fabuleuses mésaventures d’une héroïne contemporaine » chez Atypeek Diffusion – Dokidoki 

Chloé DELAUME « Le Coeur Synthétique » aux Éditions Du Seuil

Tracklisting :

1. RTT à Trastevere
2. La faim justifie les moyens
3. Vieillir, dit-elle
5. Perdues d’avance
6. Tinder Surprise
7. La fiancée de Wanda
8. Éponyme
9. En chien
10. Fin de partie