En solitaire, la voix de Luna et Galaxie 500 égrène son romantisme tranquille sur neuf ballades intemporelles.


Nouvelle vie, nouveau départ pour Dean Wareham. L’année dernière, l’un des plus emblématique songwriter new yorkais a déménagé pour s’installer en Californie avec sa compagne et muse Britta Phillips. Lui qui a si souvent chanté la Grande Pomme du temps de Luna (et plus particulièrement sur l’impérissable Penthouse), le changement pour la Côte Ouest est une page symbolique qui se tourne. Première grande résolution prise, le mini-album Emancipated Hearts paru précédemment, inaugurait la première collection de chansons enregistrées sous son propre nom. Ce qui n’est pas rien, après trois décennies partagées en groupe avec Galaxie 500, puis Luna et enfin en duo avec Dean & Britta. On reconnait là l’humilité de ce musicien discret qui n’a jamais été du genre à imposer son nom sur l’affiche.

Pour ce premier album sans-titre, le choix surprenant porté sur le producteur Jim James, leader de My Morning Jacket et sosie plus vrai que nature de David Crosby, pourrait supposer une orientation musicale d’ordre « psyché rock americana ». Avec un peu de recul, on peut d’ailleurs établir des ponts entre Galaxie 500 et My Morning Jacket, dont les trois premiers albums s’imprégnaient non sans flagrance de la reverb mystique du légendaire trio pionnier de la dream pop. De toute manière, au regard de l’ensemble du disque, le savoir-faire de Jim James n’a finalement peu d’incidence sur la musique de Dean Wareham, dont les neuf ballades romantiques présentées ici s’inscrivent dans le prolongement esthétique de Drean & Britta. Soit une pop étoffée où les mélodies sont distillées sur des guitares Velvetiennes et des arrangements cotonneux classieux (violons, Mellotron).

La nouveauté finalement, c’est d’enfin entendre Dean Wareham dans un contexte « intimiste », lui qui a durant la dernière décennie joué la carte glamour avec sa moitié Britta Phillips au sein du duo Dean & Britta. Un disque par conséquent qui revient à une certaine masculinité, non dénuée pourtant d’une grâce et d’une légèreté qui n’appartient qu’à ce songwriter cultivé. Pas vraiment de rupture esthétique donc, mais une écriture plus personnellement impliquée. Sur ces neufs compositions écrites avant la Californie, on peut déceler l’anxiété du départ vers l’inconnu, et déjà une certaine mélancolie anticipée. Définitivement un mal pour un bien : sa voix à l’élégante retenue nous chante la fin d’une époque dès « The Dancer Disappears », à la mélodie souveraine.

Le refrain est connu… on pense pouvoir résister à ces douces mélodies d’apparence inoffensive mais on se laisse finalement progressivement happé. Et de se souvenir que là repose tout le charme de ce guitariste passé maître dans l’art de ne jamais trop en rajouter. Les références musicales et littéraires abondent comme toujours de la part de l’un des plus fervents fans de Lou Reed et de Television, comme sur la jolie bluette country/pop « My Eyes Are Blue », qui marche sur les traces de la célèbre version d’ »Everybody’s Talking » par le blond écorché Harry Nilsson. On aurait seulement aimé que l’illustre guitariste et chanteur de Galaxie 500 prenne davantage l’initiative de monter un peu plus souvent le grain de volume et de bousculer sa section rythmique, à l’instar des vivifiants « Holding Pattern » et « I Can Only Give My All », qui réveillent le meilleur de sa discographie luna(ire).

En fin de route, « Happy & Free », subtile errance synthétique quelque part entre Eno et Kraftwerk, marque une nouvelle étape. Une piste qu’il faudra creuser sous le soleil californien. En attendant, délectons nous de cette collection de balades à la coolitude incarnée.