Après une pause revigorante, le trio alsacien revient mettre de l’ordre dans son capharnaüm sonique avec le bien nommé Discipline.


Depuis son jouissif premier album (Sad cities hanclappers, 2008), Electric Electric n’a cessé de faire gicler son noise-rock violent et dansant sur les scènes françaises et européennes. Associé à l’effervescente Colonie de vacances – cour de récré peuplée des fêlés de la noise Papier Tigre, Pneu, et Marvin Electric Electric est un groupe de musiciens chevronnés, dotés d’une impressionnante technicité. Loin de les enfermer dans un rock mathématique et aride, ce bagage a toujours permis aux trois strasbourgeois de décupler leur potentiel musical. Comme tout trio digne de ce nom, Electric Electric s’investit à fond en remplissant habilement l’espace sonore. Essentiellement instrumentale, leur approche musicale est à la fois sombre et dansante, chirurgicale et déviante. Du bruit qui ne choisit pas entre le cerveau et le corps.

Discipline, nouvel album très attendu – notamment par ceux qui ont pu les découvrir sur scène – donne à entendre onze nouveaux titres à la production droite et irréprochable. Le rythme reste au centre de l’esthétique des strasbourgeois, comme l’annoncent le bref et tribal « Icon », l’entêtant « La Centrale », et le granuleux « Neutra Tantra ». Que ce soit boucle de batterie ou de guitare, chaque titre repose sur une idée rythmique en béton, qu’il soit armé ou brisé. Electric Electric empile chacune de ses boucles dans des constructions complexes, de savants dosages entre tension progressive et explosion qui culminent sur l’emblématique « Discipline » – peut-être le meilleur titre du disque – ou l’infernal « Pornographic arithmetic ».

Mais Discipline offre plus, bien plus. Petites phrases mélodiques, nappes atmosphériques, triturations synthétiques, et cloches hypnotiques agrémentent subtilement et efficacement un album plus finement pensé que son prédécesseur. Les parties vocales, certes encore discrètes, injectent une légère dose d’humanité dans un disque proche du film d’horreur, singulièrement urgent et apocalyptique (« XX2 » et « XX1 », entre indus, post-punk et no wave 2.0). Déjà redoutable à ce stade, Discipline délivre une autre épopée dantesque (« Summer’s eye »), une envoûtante divagation (« Ulysse »), et une conclusion parfaitement hypnotique (« Material boy »).

Nouveau jalon dans l’histoire bruitiste française, ce Discipline témoigne d’un groupe au top de ses possibilités. Electric Electric nous offre un voyage épique, infernal de minutie et démoniaque de puissance.

ELECTRIC ELECTRIC – « La Centrale »