Sur les traces de l’Americana chimérique de Ben Schneider et son fascinant pouvoir hypnotique.
C’est un disque de chevet qui nous a régulièrement accompagné ces trois dernières années, la bande-son de nos voyages intérieurs et extérieurs. Car les chansons de Lonesome Dreams, premier album de Lord Huron révélé en 2012, étaient naturellement taillées pour la route : en sa compagnie, les couleurs de l’horizon se saturent, baignent dans une douce et mélancolique chimère. Ben Schneider est le seigneur qui se cache derrière Lord Huron, auteur de ballades country psychédéliques majestueuses,hantées par la solitude et les immenses espaces de l’Americana. Ce musicien originaire du Michigan, actuellement installé à Los Angeles, a un don pour exalter les pourtant très encombrés voies de la folk/rock US, à l’instar du At Down de My Morning Jacket ou plus récemment The War on Drugs et Timber Timbre.
Comme l’indique le titre, les « étranges sentiers » empruntés sur ce second album s’aventurent au-delà des terres explorées sur Lonesome Dreams. Et les moyens humains sont là : ce qui fut au départ le projet solo de Ben Schneider s’est mué au fil des tournées en véritable groupe. Autour de lui, ses compagnons de route Tom Renaud (guitare) Mark Barry (percussion) et Miguel Briseño (basse, percussions) forment désormais un quatuor à la palette musicale vaste et à l’esthétique très léché. Sur l’ambitieux Strange Trails, les atmosphères tropicales/country du premier album se confrontent désormais à une Amérique fantasmagorique, légèrement « vintage » dirons-nous. Première secousse, l’intrusion de guitares rockabilly sur le suintant « Until The Night Turns », serait prompte à réveiller le fantôme du jeune et fougueux Elvis de la période Sun. Cette rencontre un peu inattendue ne manque pas de charme. Mais le voyage ne fait que commencer, et chaque chanson de ce long périple de 55 minutes va nous faire voir du pays et de splendides paysages. Les tableaux défilent, bucoliques, tels la ballade country « Dead Man’s Hand » ou encore « The Night We Met ». Un plus loin, « La belle fleure sauvage » (en français s’il vous plait) et ses ambiances mariachis a des allures majestueuses de Chevauchée fantastique, escorté par le grand John Wayne.
A mi-parcours du disque, « Meet me in the Woods » s’impose comme le jumeau troublant de « Love Like Ghosts » qui ouvre l’album : les mélodies des deux morceaux sont identiques, mais un souffle épique est passé entre-temps. Et pour la première fois, nous sommes pris d’un doute, l’étrange sensation d’être embarqué dans un rêve où certaines scènes se répètent. Lord Huron prend pourtant un malin plaisir à bifurquer, s’enfoncer dans une impressionnante épaisseur sonore, où la lumière du mal à se frayer un chemin – la sublime errance « The Yawning Grave ». « Louisa », vibrante ballade avec ses chÅ“urs à donner le vertige, renoue avec la grâce de « Ghost on the Shore » (sur le premier album) que l’on pensait pourtant intouchable. Et puis ce sont encore les mythes de l’Amérique qui sont invoqués avec le springsteenien en diable « Cursed », qui pourrait bien truster les radios indés balnéraires cet été. Enfin à dix minutes du terminus, « Way Out There » raccroche les rames avec le wagon lumineux de Lonesome Dreams, pour une dernière envolée lumineuse. Quelque part entre le rêve et la grande virée, Lord Huron se pose magistralement là. Prenez un Billet pour Strange Trails, vous ne serez pas déçu du voyage.
En concert le 1er juin à Paris, le Pop up du label