Débarrassé de l’artillerie lourde, le charismatique meneur des Girls Against Boys dévoile, sur ce second album, un songwriting au spleen éclectique et enthousiasmant.
Le nouvel album de Scott McLoud, figure déchue du rock alternatif US des années 90, ne fera certainement pas de remous médiatiques. Voilà deux ans, la reconversion de l’ex meneur des Girls Against Boys, sous le nom clinquant Paramount Styles, n’avait déjà pas suscité grand bruit (on garde en mémoire un concert solo donné dans un Truskell déserté). Un constat regrettable, tant son premier album à teneur boisée, Failure American Music, était une franche bonne surprise. En débranchant l’électro-rock pas toujours très canalisé des Girls Against Boys — néanmoins capable de fulgurances disjonctées — l’homme s’est mué en un stupéfiant songwriter, aux contours tourmentés et habités. Failure American Music alignait ainsi une belle collection de compositions folk-rock superbement ficelées, sans faiblesses.
L’âge et le vacarme des amplis aidant, l’ancien survolté persévère maintenant dans une voie solo « assagie », dirons-nous. Et l’investissement paie. Il se surpasse même sur ce second album, Heaven’s Alright, un poil plus court que son prédécesseur mais mieux étoffé sous la direction de Geoff Sanof (Television, Lloyd Cole) : guitares atmosphériques pertinentes, tamisées de nappes synthétiques (jadis galvaudées chez les Girls Against Boys, ici discrètes), et, luxe suprême, quelques cordes de violons — dès l’inaugural et enlevé “Take Care Of Me”, “The Girls of Pragues”, “White Palaces”. Pour le reste, le noyau demeure acoustique : l’écriture fluide et entraînante et, surtout, la voix grave de sir McLoud, creusée à la nicotine, son étrange sex appeal — sorte de Jon Spencer affaissé, vêtu de noir — ont ce quelque chose en plus, cette présence impalpable qui nous pousse à revenir vers ses chansons. Aussi, sur un titre comme “Steal Your Life”, une ballade inhabituelle au piano, la façon dont ce vieux loup blessé rode autour de ces notes de porcelaine est tout simplement poignante.
Électrique ou acoustique, Scott Mc Loud est de ces musiciens dont la rébellion se prolonge dans son jeu de guitare impulsif. Il sait faire vivre ses accords mineurs, les tordre pour mieux se les approprier (“Amsterdam”, “The Greatest”, malgré un clavier envahissant, on ne se refait pas…). Ses refrains, avenants mais jamais surlignés, ne laissent finalement rien au hasard. Ce trait-là le range désormais dans la digne lignée solo d’un « sadly beautiful » Paul Westerberg. Comme un rappel au temps passé, l’électricité s’invite sur le finale de “ Come To Where You Are”, une colère montée de sept minutes. À l’heure de ce dernier titre, Scott McLoud donne l’impression de s’être trouvé, en phase avec lui-même. Aussi éculée la formule soit-elle, ce passage à l’âge de la maturité sonne, dans ce cas précis, on ne peut plus juste et sincère.
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