L’Amérique n’en finit pas de délivrer des jeunes chanteuses country folk façonnées dans le même moule. Pieta Brown, (quasi)nouvelle venue, se démarque toutefois par son chant mâchoires serrées et sa grâce en trompe-l’oeil.
Cat Power et Beth Orton avaient ouvert le bal dans les années 90. De jeunes américaines, amoureuses de la country ou de l’americana, plutôt que de marcher dans les traces vespérales de Paula Frazer et ses Tarnation, décidaient de faire subir à cette musique quelques outrages. Depuis, on ne compte plus le nombre de filles aux cheveux longs, au T-shirt ample et au regard chafouin qui se sont emparées d’une six cordes pour proposer leur vision de la country-folk, regardant droit dans les yeux les hommes de la famille. Bien sûr, les USA sont vastes et il y a de la place pour tout le monde, et on peut considérer, dans un élan optimiste, que ceux et celles qui traversent l’Atlantique représentent le haut du panier.
En cela, Pieta Brown, fille de Greg Brown (ça aide), livre un premier disque de country rock tout ce qu’il y a de plus classique, mais en rien fade. Elle fait preuve d’une grande maîtrise d’écriture, tant dans ses mélodies, dans ses textes que dans ses arrangements. Que ce soit sur des rythmes lents, écrasés de chaleurs, ou par le biais de brulôts fougueux et frondeurs – le très percutant « Sonic Boom » – Pieta Brown maîtrise à la perfection la dynamique d’un album de country rock sans fioriture. Pas de solo crispant (en fait si, un seul, sur « West Monroe », un titre par ailleurs redoutable), pas de mélodies affectées, des choeurs effacés et lugubres, une interprétation traînante et suave. Bref, la quintessence d’une musique qui nécessite bien plus de retenue que de démonstration, à l’instar de son pendant afro-américain, le blues.
Remember The Sun irradie par la voix de la jolie brunette, une voix affirmée, sans minaudage et exsudant un ennui mortel (au sens premier du terme). Si le chant se doit d’être parfait dans la country, Pieta Brown n’a aucune inquiétude à avoir, elle s’affirme d’ores et déjà comme une valeur sûre. Armée de cette voix succulente, Pieta Brown sublime des textes ciselés, contant (évidemment) des histoires de solitudes, d’alcool, de bagnoles et de grands espaces. Idéalement accompagnée par un groupe majuscule, compact, sobre et solide, la sirène du désert n’a plus qu’à lâcher son fiel, et elle en profite pour se débarrasser des oripeaux d’une jeunesse qui n’a pas toujours dû être exaltante. En cela, l’utilisation récurrente d’un Wurlitzer imprègne ses chansons d’une ambiance moite et visqueuse, conférant à l’ensemble un côté désespéré qui est indéniablement la marque de fabrique des grands disques du genre. On sent Pieta Brown en confiance, solide dans ses bottes, fière et sûre de son fait.
La production de Remember The Sun, une production claire, chaude et avare d’effets inutiles, est le dernier atout de ce premier effort en tout point réussi. Nous reviennent à la mémoire des disques comme l’urgent Megiddo (Virgin, 1997) de Lauren Hoffman ou l’inusable You Are Free (Matador, 2003) de Cat Power (d’où la chanson « Are You Free » ?), ces disques aussi limpides qu’abrasifs.
L’année 2007 serait-elle celle de la couleur marron ? Car après Findlay Brown, voilà Pieta qui reprend une musique qui est l’essence même de son pays de naissance pour en livrer une version respectueuse mais parfaitement digne de ses aînés. A quand le mariage ?
– Son Myspace