Ces bêtes sauvages-là ne sont ni bêtes ni sauvages. Encore moins farouches. Une drôle de musique de la part de drôles de gamins.
Wild Beasts, ou l’annonce d’une expérience étrange dès le nom du groupe. Sans compter Limbo, Panto, ce titre inaugural qui évoque le fauvisme. D’emblée, l’auditeur qui se lance pour la première fois peut s’attendre à ce que ça jaillisse, que ça brille, que les couleurs vives tranchent et que ses sens en ressortent tout émoustillés. Et il a raison.
Nous sommes en 2008, à la fin de la décennie de la miniaturisation et de la dématérialisation. Celle du retour au rock qui scie et de la pop qui bégaye. Et surtout pas celle du romantisme échevelé ou du lyrisme grandiloquent, soit exactement ce que propose ce tout jeune quartet né à Kendall, GB, petite cité qui est aussi le berceau d’un autre groupe qui ne craint pas les grands 8, British Sea Power. La comparaison s’arrête toutefois là tant les quatre mods de Wild Beasts, contrairement à leurs aînés, se servent absolument à tous les râteliers de l’histoire de la musique séductrice, lascive même, et à l’occasion sirupeuse. Limbo, Panto est un album exubérant, totalement décomplexé et baroque. Mélodies azimutées, guitares tour à tour funky, viennoises ou encore cheezy, rythmiques cotonneuses et arrangements à la chantilly ; il ne faut pas craindre la crise de foie.
Mais cette débauche d’effets est servie avec tant de sincérité et d’outrecuidance qu’on aurait tendance à en redemander. Frisant le ridicule à tout moment pour le défriser dans la seconde qui suit par le biais d’un riff fracassant, fricotant avec la ringardise pour tutoyer le zénith de la hype dans un même souffle, le quatuor se moque des modes comme de ses premières bretelles.
Hayden Thorpe, chanteur et tête pensante du groupe, est le principal artisan de cette exubérance. Doté d’une voix hors du commun, capable du plus impressionnant falsetto comme du plus profond rugissement mâle, il use et abuse de ses étonnantes capacités sur l’ensemble de ce premier effort. Du haut de ses 21 ans, il donne l’effet du super héros qui vient à peine de découvrir ses super pouvoirs et qui en profite à mort, sous peine de passer du côté sombre sans même s’en rendre compte, mettant un mouchoir sur la sagesse qu’il convient de posséder en pareille situation. Thorpe devrait se méfier, et gagnerait à un peu plus de modération — à l’instar par exemple d’un Rufus Wainwright. Heureusement, le fou chantant est soutenu par un groupe solide, et brille même occasionnellement sur quelques (trop rares) titres tout à fait réussis (“Brave Building Buoyant Clairvoyants” (sic), une claque phénoménale).
En outre, le combo a eu l’ingénieuse idée de se faire épauler par Tore Johannson à la production (croisé aux côtés des Cardigans notamment, pierre de voûte de leur formidable Gran Turismo en 1998), l’adulte qui régente un peu les envies folles des farfadets et qui range la chambre après une séance de jeu particulièrement dévastatrice ; c’était exactement ce que nécessitait Wild Beasts, un type capable de canaliser les idées les plus farfelues, rompu aux arcanes de la pop qui cartonne tout en gagnant le respect de ses pairs.
Limbo, Panto est la promesse d’un groupe qui risque fort de laisser son empreinte, à condition de dépenser toute l’énergie dont il semble regorger à l’écriture d’une pop aussi flamboyante que rare par les temps qui courent, plutôt que de se jeter dans une interprétation étonnante au départ, et franchement éreintante au bout de plusieurs écoutes. Il ne manque presque rien à Wild Beasts pour devenir un vrai phénomène — autre que de foire.
– Leur site officiel