Avec leurs compatriotes britanniques The Horrors, Wild Beast est devenu en l’espace de trois albums le porte-flambeau d’une jeune garde rock tendant à intellectualiser sa musique.


Avec leurs compatriotes britanniques The Horrors, Wild Beasts est devenu en l’espace de trois albums le porte-flambeau d’une jeune garde rock tendant à intellectualiser sa musique. Ou, dans tous les cas, qui se pose les bonnes questions. Ce troisième album continue la prodigieuse avancée effectuée sur leur deuxième, Two Dancers (2009). Un cran plus ambitieux que son prédécesseur, Smother puise son inspiration dans l’œuvre de l’écrivaine brésilienne Clarice Lispector (souvent décrite comme une James Joyce féministe), la musique minimaliste du compositeur Steve Reich ainsi que le classique d’épouvante Frankenstein de Mary Shelley. Si ce troisième opus est chargé en références, le quatuor a décidément un talent singulier pour installer des atmosphères langoureuses et intrigantes, à la beauté fêlée. La voix sensuelle et vulnérable d’Hayden Thorpe (qui rappelle parfois celle, androgyne d’Antony Hagerty), n’est pas étrangère dans le pouvoir d’envoûtement de sa musique. Sans être rompu à la mélodie aguicheuse, le quatuor a particulièrement soigné les ambiances synthétiques dans une économique baroque/cold wave audacieuse. Cet élagage n’a finalement pour seul dessein que de mettre en valeur la voix très expressive de son chanteur. Hormis un entraînant et immédiat “Loop The Loop” et deux balades somptueuses que Mark Hollis aurait pu composer période Spirit of Eden (« Invisible », « End Come too Soon »), Smother accentue les nuances, avec ses ambiances cotonneuses suggérant tour à tour désir et cruauté (« Bed of Nails », « Plaything »). Moins évident d’approche car plus conceptuel, Smother ne choisit donc pas la voie la plus facile, mais est de l’étoffe de ces grands disques qui s’apprivoisent avec le temps. Ceux qui ont pris le train en marche avec Two Dancers ne seront de toute manière pas déçus du voyage.