Tuki est un disque au long cours, sur lequel l’imaginaire prend ses aises, voyage sans boussole et se laisse emporter hors du temps à la recherche d’un calme intérieur que notre bruyant quotidien lui accorde de moins en moins. De cette sérénité qui fait les sages, le percussionniste africain Miki N’Doye n’en manque assurément pas. La musique revêt pour lui le caractère d’une impérieuse nécessité, celle de refuser pacifiquement l’incessant manège des hommes et leurs jeux de dupes. Originaire de Gambie, mais vivant depuis trente ans à Oslo, ce malicieux conteur, qui chante en wolof et en mandingue, demeure un actif citoyen du monde, soucieux de trouver à ses revendications (“Loharbye” est par exemple une protest song contre la guerre) une forme musicale épurée. Un engagement qui évacue toutes velléités d’exotisme world. Tuki est un disque radical, inventif et moderne, situé au croisement des traditions africaines ancestrales et des sonorités hypnotiques electro-jazz les plus contemporaines. Le dispositif sonore repose sur le jeu percussif de N’Doye (il utilise un petit tambour vocal, nommé tamma, un tambour à baguettes, le m’balax, un bongo et, surtout, un petit piano à pouce au son métallique appelé kalimba), auquel s’ajoutent les claviers rêveurs de Jon Balke et une trompette aérienne (Per Jorgensen). Le minimalisme de l’ensemble, qui évoque la musique répétitive de John cale, s’avère en fait, pour qui saura faire abstraction de l’apparente aridité des compositions, d’une richesse indéniable, les notes de musique se muant en taches de couleurs fascinantes, apposées sur une toile sans fond ni bords.
– Le site de ECM.