Clare Muldaur est née sous une bonne étoile, puisque son père fut l’heureux interprète du thème du film Brazil, qu’elle est la protégée de Sufjan Stevens et qu’elle a invité Van Dyke Parks à pianoter sur The Movie, son premier album. Hors du temps, bercées par sa voix acidulée, les chansons de Clare And The Reasons semblent être composées pour une comédie musicale imaginaire de Vincente Minelli, avec l’incontournable Judy Garland en guest star. Arrangement poudreux, cordes neigeuses, piano blâfard, tout ici confine au repos. Allongé devant l’âtre qui diffuse une chaleur réconfortante, on se laisse porter par ces mélodies en apesanteur, cette production cotonneuse, et ces paroles enchanteresses. Elle marche sur les traces des premiers efforts de Lisa Ekdahl, avec qui elle partage plus que cette tessiture enfantine, un certain goût pour le sourire comme élément de diction. Mêmes causes, mêmes effets, la voix de Clare Muldaur peut, à l’instar de la Suédoise, finir par irriter. Heureusement, l’écriture est au rendez-vous, et l’élégance de l’ensemble tempère ce léger agacement. Pour preuve “Nothing/Nowhere” qui voit la chanteuse se faire courtiser par Sufjan Stevens, seule pièce du disque qui démarre dans la veine jazzy (oui, avec le côté kitsch et un peu bourgeois que sous-entend ce mot à double-tranchant) de l’ensemble pour s’achever sur une ritournelle pop circa 60’s du meilleur effet. Nul doute que ce disque ravira absooooooooolument tous ceux qui n’écoutent jamais de jazz, pas même chanté, même Barack Obama en a fait sa muse au cours de sa campagne. Pour notre part, quitte à nous frotter à du classicisme, nous le préférons revisité par, au hasard, la troublante Patricia Barber qui n’oublie pas d’amener de la tension dans sa musique. Mais que ceci n’empêche personne de déclamer avec la foule béate : « oh ! comme c’est joli ! », et en acheter cinq d’entrée pour anticiper sur les cadeaux de Noël. Car voilà, c’est joli, très joli même. Mais « joli », ça peut vite devenir synonyme de « chiant » .
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