S’il existe toujours dans le tête-à-tête de deux musiciens une recherche mutuelle pour l’expérience commune, elle devient rarement une voix entière.


S’il existe toujours dans le tête-à-tête de deux musiciens une recherche mutuelle pour l’expérience commune, elle devient rarement une voix entière, dépassant les individualités respectives et les virtuosités spécifiques. Dans Gramercy, il est clair que c’est cette voix qui constitue la préoccupation principale, bien que le dispositif, à savoir la clarinette de Gareth Davis et le violoncelle de Frances-Marie Uitti, fait qu’on est déjà sur un terrain d’écoute respectif et qu’il sera question non pas de composer ensemble mais de s’inventer en permanence, de se mélanger à l’autre. Ce moment-là exige de la mesure et de la discrétion, la nécessité de se positionner sur le même plan avant d’envelopper l’espace disponible. Une fois le mécanisme déclenché on revient rarement en arrière, et le point de non-retour est atteint quand les instruments deviennent des surfaces pures où glissent les notes, parfois même rien qu’un support pour la respiration, le médium tournant à vide comme dans “Cold Call”. Plus qu’un jeu édifiant propre à la musique contemporaine, Gramercy possède un caractère dense et inquiet où on contemple un spectacle de murmures, de déséquilibres régulées, où Gareth Davis et Frances-Marie Uitti se quêtent et s’effacent, faisant oublier la pesanteur du monde aussi bien celle de la musique.

– La page de Gareth Davis & Frances-Marie Uitti sur Miasmah