Paul RamoneLentement mais sûrement, Gun Outfit impose sa vision singulière du rêve américain, où convolent alt-country, desert-rock et psychédélia …
Ex punks hardcoreux reconvertis à l’Americana, Dylan Sharp et Carrie Keith, duo moteur du groupe Gun Outfit, ont beau avoir depuis longtemps abandonné la distorsion et les accords binaires, ils n’en sont pas moins restés fidèle à leur farouche e(sthé)tique DIY. Originaire de la pluvieuse ville d’Olympia (Washington), mais relocalisé depuis quelques années sous le soleil de Los Angeles (Californie), la formation à géométrie variable (actuellement quintet) a sorti au cours de cette décade, en marge de ses cinq albums “officiels”, une importante quantité de cassettes – et continue d’ailleurs, certaines ont été numérisés sur leur site bandcamp. Signé depuis Dream All Over (2015) sur l’un des meilleurs label indépendant américain, Paradise of Bachelors (Steve Gunn, His Golden Messenger, Michael Chapman…), la formation US donne l’impression sur chaque nouvel album de ralentir davantage le tempo, comme pour mieux prendre le temps d’habiller ses chansons de la plus belle étoffe. Ce constat se vérifie à nouveau sur ce cinquième opus studios.
Avec Out of Range, on touche à la quintessence d’un style à part, la country cosmique… Gun Outfit se pose en référence d’un genre qu’il maîtrise à la perfection, élégant dosage de rock Lo-Fi et tradition americana (country, bluegrass, ect). Dylan Sharp et Carrie Keith, tous deux à la guitare et alternant le micro chant, ont trouvé un singulier équilibre s’appuyant sur leurs harmonies vocales. Si la voix de Dylan Sharp joue moins de son grain graves façon Calvin Johnson (Beat Happening) que par le passé, on pense de plus en plus à David Berman (Silver Jews), ce qui n’est pas pour nous déplaire (“Slow Realization”). Quant à Carrie Keith, ses intonations grunge à la Courtney Love ont définitivement disparu (depuis le beau et rugueux Hard Coming Down en 2013), pour un chant moins décadent, plus saillant, qu’on pourrait qualifier de Kim Gordon country (“The 101” avec son banjo spectrale)…
Seuls ou en duo, Dylan Sharp et Carrie Keith nous régalent de ballades somptueuses sur fond d’étranges guitares tex-mex, matinées de lapsteel (“Landscape Painter”, “Cybele”, “Slow Realization”)… et s’autorise même une envolée space rock, “Sally Rose” avec ses twang guitares imbibées de solo fuzz, du The Clean en plein délire de LSD.
Produit par Facundo Facundo Bermudez (Ty Segall, No Age) et mixé par le non moins talentueux Chris Cohen, Out of Range nous embarque dans un road trip hallucinatoire, incandescent, où l’on a du mal à distinguer l’horizon, aveuglé par la réverbération du désert. A entendre la richesse des panoramas western empruntés ici (suggéré en couverture par les paysages mythique de Monument Valley), Gun Outfit a notamment étudié sous toutes les coutures Lubbock (1979) chef-d’oeuvre country oublié de Terry Allen, exhumé d’ailleurs cette année par leur label Paradise of Bachelors. L’autre artisan de cette variété d’ambiances, on la doit beaucoup à Henry Barnes, multi-instrumentiste aux innombrables bottes secrètes (lapsteel, dulcimer, bouzouki, violon, banjo…).
« I’m out here in the landscape / Looking for a theme / Understood and overwhelmed by / These softly fading beams »
On ne saurait conclure sans évoquer les paroles surréalistes du duo Sharp / Keith, qui ne manquent pas de références, empruntant autant à la mythologie (Orpheus et Eurydice), la littérature de Samuel Beckett et Wallace Stevens qu’aux bobines acidulées et troublantes de Kenneth Anger et bien sûr l’Ouest lointain de John Ford. C’est dire si les territoires empruntés ici sont riches en rencontres surprenantes. Ce qui nous conforte à l’idée que Gun Outfit est une des meilleurs chose arrivée à l’alternative country depuis feu Jason Molina.
En concert le 22 Février à l’Espace B, Paris
Paradise of Bachelors/ Differ-ant – 2017
Producteur : Chris Cohen
Page Facebook officielle
Tracklist:
- “Ontological Intercourse”
- “Landscape Painter”
- “Cybele”
- “Strange Insistence”
- “The 101″
- “Slow Realization”
- “Sally Rose”
- “Three Words”
- “Primacy Of Love”
- “Background Deal”
- “Second Decade”