Sur son septième opus, la formation pop épicurienne orchestrée par Alexandre Paugam, nous délivre un climax pop aux multiples facettes
Alexandre Paugam, leader du groupe Da Capo, est un peu comme un cristallier chamoniard escaladant les parois redoutées par ses concurrents, afin de dénicher les minéraux rares qu’il collectionne fiévreusement. Sa dernière collecte est riche de précieux spécimens musicaux.
Paradise, son septième album, pour près de 30 ans d’existence, n’est pas à mettre dans toutes les oreilles, au risque d’être défini trop rapidement comme inclassable ou clivant. Cet opus est en effet très concentré. Ses dix titres délivrent une intensité musicale et émotionnelle qui proposent à l’auditeur de croiser des influences musicales très hétéroclites, parfois même très rares dans l’idée d’associations.
On aurait pu en rester à un exercice musical condescendant, mais non. Le chanteur, musicien et compositeur Alexandre Paugam assume sa sensibilité à fleur de peau.
A chaque émotion semble correspondre une alchimie musicale particulière et inédite. Des rythmes libératoires du titre « Help Me » aux notes lentes et délicates de « Hold On », il sait fédérer les âmes. Le musicien semble avoir trouvé une formule pour transformer des souffrances et des pleurs en une expression musicale résiliente et reconstructrice.
Entouré de Cédric Sabatier à la guitare, Florent Ville à la batterie, Jean-Noël Vuidart au saxophone, David Fauroux à la basse, Margaux Aubert au violon alto et Alban Sarron à la trompette, il a organisé un opus où rien ne dépasse, rien ne s’oublie, tout est là, dosé et mesuré.
Le cristallier Paugam écume les pistes où ses concurrents n’osent poser le pied, parce qu’elles semblent particulièrement dangereuses, ou parce que leur accès s’avère trop technique. Il sait que les plus belles pièces se nichent dans des milieux très fragmentés, là où les fissures se multiplient.
L’assemblage, la fusion des genres constituent son terrain de jeu privilégié. Ses influences musicales semblent toutes avoir un point commun : fusionner sans faillir.
On entend ainsi passer des nappes jazzy et des cordes dissonantes qui nous remémorent E.S.T. (Esbjörn Svensson Trio) autrefois décidés à rassembler Béla Bartók avec Radiohead et l’on s’émeut des escalades vocales qui nous renvoient à Neil Young, le loner qui a su amalgamer solide héritage folk à la fragilité de son timbre de voix.
Chaque prise de son pourrait être une prise cinématographique, avec des points de vues, des lumières et des tempéraments contradictoires. C’est déroutant mais jamais « confusant », on est dans l’émotion jamais dans le brouillon.
En effet, l’exercice est parfaitement maîtrisé. Titre après titre, on se laisse séduire par ces rencontres savamment orchestrées et mises en cohérence. Serait-ce une ascension ou une traversée, une élévation ou une immersion, voire un climax ? On ne saurait pas le déterminer, qu’importe on se laisse transporter ou téléporter dans cet univers dont seul l’artiste semble détenir le plan d’accès (et de sortie).
Écoute après écoute, ces 10 titres se révèlent bien être cristaux rares. Ses facettes et ses prismes musicaux si sont nombreux et généreux, qu’ils peuvent répondre à n’importe quel état d’esprit ou envie du moment. `
Lévitation ou excitation, nostalgie ou futures envies, cet album offre un coin de « paradise » réjouissant où l’on peut tout entremêler, mélanger ou s’imaginer, un espace musical totalement inédit et inspirant. Comme sur les sommets on y respire un air vivifiant et pénétrant.
On retiendra tout particulièrement la détresse endiablée de « Help Me » dont le clip est conçu à partir d’images d’Emak-Bakia de Man Ray, le travelling hoolywoodien de « Following You », l’envolée piano et saxo de « Lonely » et la profondeur énergisante de « my life ».
Comme pour les cristalliers, pour qui la montagne n’a livré à ce jour qu’une infime partie des richesses qu’elle recèle dans ses entrailles, Da Capo a encore beaucoup à nous faire découvrir. Ce qui nous laisse présager après cet album très réussi, encore beaucoup de bonheurs inédits à partager.
Label : Autruche Records (accompagnement Microcultures)
Distribution : Kuroneko / Inouïe Distribution
- Help me
- Mistress
- Too late
- Following you
- Hold on
- Lonely
- My life
- Tribalism
- Can you hear me
- Horn’s lament