Cinq ans après leur tonitruant début, les ex-chéries de New York comptent bien montrer au monde qu’ils ont plus d’un tour dans leur sac. Il faudra quand même être plus convaincant la prochaine fois.


Un petit retour dans le passé… En 2001, cinq ados boho-chics de NYC sortent un album acclamé par la critique, et qui est censé, évidemment, réanimer le corps sans vie du rock ‘n roll. Il est vrai que l’album en question, Is This It, possédait un charme certain qui permettait d’oublier que tous les morceaux ressemblaient à A Salty Salute de Guided By Voices. Ce charme, allié à l’allure louche du chanteur Julian Casablancas et à quelques romances célèbres (Amanda de Cadenet, Drew Barrymore, presque mariée au batteur Fab Moretti) leur offrait une place potentielle dans l’histoire du rock contemporain, ou du moins une couverture de presse impressionnante.

L’album suivant, Room On Fire, a déçu parce qu’il ressemblait trop au premier, et on commençait à craindre une certaine limitation dans le chef des New Yorkais. First Impressions On Earth doit donc confimer ou infirmer ces craintes/espoirs, en sachant que les Strokes ne sauveront pas le monde (maintenant, c’est Arctic Monkeys qui est censé le faire).
Le résultat est mitigé. FIOE est certainement l’album le plus varié des Strokes (et le plus long), mais aussi le plus inégal. Les bons morceaux comptent parmi leurs meilleurs, mais les autres sont vraiment médiocres.

« You Only Live Once », le premier morceau, navigue en territoire connu : doubles guitares qui se répondent du tac au tac, basse puissante et batterie qui sonne comme une boîte à rythmes. Julian chante toujours de manière très personnelle (sauf quand il moleste le cadavre de Frank Sinatra), mais cette fois, il a apparemment compris l’utilité de se rapprocher du micro, et de ne pas chanter à travers un téléphone. La prochaine fois, il essaiera d’articuler et de ne pas imiter un chat étranglé.

« Juicebox », quant à lui, est un terrible single, qui commence comme le thème de Batman avant de provoquer une grosse surprise : apparemment, les Strokes sont arrivés au début des années 90, et ont écouté un peu de grunge. Et puis quoi encore, du rap-metal dans dix ans ? Mais ne vous inquiétez pas, ce n’était qu’une passade : le riff de « Razorblade » a été « emprunté » à Barry Manilow, tout revient donc en ordre, on a eu chaud.

Puis, les Strokes se sont dit : aha (ou a-ha?), on va les surprendre, on va faire du…. * brainstorm dans le studio * progpunk ! « Vision Of Division » et « On The Other Side » apportent une batterie déglinguée, des rythmes bizarres, et dans le cas du premier, un solo pompé à System Of A Down (si si, genre Europe de l’est, tout ça).
La première moitié se finit par « Ask Me Anything », où Julian chante simplement accompagné par un mellotron. Louable intention, mais résultat assez plat, même si on apprécie son honnêteté (« I’ve got nothing to say »).

Ceci dit, sarcasme à part, les morceaux sont généralement solides, et prouvent une volonté réelle d’évolution. On ne s’ennuie pas, du moins pas encore. Car la seconde moitié de l’album est moins intéressante, et prouve que le groupe aurait du continuer leur tradition d’albums de 35 minutes et 10 morceaux : FIOE aurait été bien meilleur. Néanmoins, « Ize Of The World » est excellent, Julian se lâche enfin, même si la fin du morceau est la chose la plus feignasse que le groupe a fait jusqu’ici (c’est dire).
Oh, et Shane McGowan est bien tranquille dans son bar à whisky, pas la peine de le réveiller (« 15 Minutes »).

On retiendra encore les paroles de Casablancas, qui devient presque schizophrène : d’un côté la célébration de la ville (« Electricityscape », ou «We’ve got a city to love», sur « Juicebox ») et de l’autre, une déclaration étonnante (« I’m stuck in the City, but I belong in a field »). Et quand on le critique pour le fait que justement, il n’a rien à dire, il réplique « Seven billion people have got nothing to say ».
Julian a vu juste. First Impressions Of Earth est exactement comme ça, médiocre, avec quelques éclairs de brillance, gâchés par des morceaux non pas mauvais mais inintéressants, ce qui est sans doute encore pire.

Les Strokes sont maintenant à un point crucial de leur carrière : ils ont prouvé qu’ils pouvaient composer de très bons morceaux, et qu’ils ne sont pas si limités musicalement qu’on aurait pu le croire. Reste à ajouter un peu de discipline, une production correcte, et le quatrième Strokes pourrait être leur meilleur.
Pour cet incohérent First Impressions Of Earth, on sélectionnera cinq-six morceaux, et on oubliera le reste.

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