4ème envol solo majestueux pour le songwriter et producteur actuellement le plus coté de la côte Ouest.
Jusqu’ici, on se tenait à distance de l’oiseau Jonathan Wilson, sans trop lui porter d’intérêt. On a pourtant eu l’occasion de s’en approcher à quelques reprises. Que voulez-vous, le cœur a ses raisons que l’on n’explique pas… Ce fut notamment le cas lors du concert événement du regretté Tom Petty au Grand Rex, donné en 2012. Le songwriter et producteur originaire de Caroline, dont la carrière solo commençait à décoller après avoir œuvré dans diverses formations (le duo Muscadine notamment), ouvrait pour le Mr Integrity de la côte Ouest, ce qui lui offrait une belle carte de visite pour se faire connaître à travers le vieux continent. Son premier album, Gentle Spirit (2012), bien reçu par la critique, posait déjà les fondations de son univers musical : une folk americana onirique, voire mystique, aux arrangements léchés, bâtissant un pont conséquent entre Neil Young et les arabesque planantes de Pink Floyd (il fut le guitariste de tournée de Roger Waters).
Le souvenir de ce concert du Grand Rex, bien que suant de maîtrise, donnait encore l’impression que Wilson jouait trop dans l’ombre de ses modèles pour réellement encore s’affirmer. Par ailleurs, il faut dire aussi que nous avions à l’époque notre préférence pour Israel Nash, qui sortait à quelques mois d’intervalles le mirifique Rain Plains. Dans le genre folk rock réverbéré, rendait veine toute concurrence.
Voilà comment nous étions passé à côté, certes peut-être un peu trop vite, du cas Jonathan Wilson. Depuis, le musicien quarantenaire est devenu un producteur très sollicité, prêtant notamment son savoir-faire sur le dernier album de Father John Misty, ou encore en réhabilitant le folker vétéran Roy Harper avec le splendide Man & Myth en 2013.
Avouons-le sans ambages, il sera difficile cette fois de résister au magnétisme de son 4ème opus solo, Rare Birds, joyaux du genre comme on a rarement l’occasion d’en entendre. Un joyaux d’une durée de plus de 70 minutes tout de même, certainement le plus dense et complexe de la carrière du songwriter et multi-instrumentiste californien. D’ailleurs, l’apparition pour la première fois de synthétiseurs New Age, offre l’occasion à Jonathan Wilson de rompre avec une certaine tradition country rock et d’approfondir ses investigations atmosphériques. Les amateurs de Midlake, My Morning Jacket période At Dawn, voire même Air (dès l’ouverture de l’album) pour les ambiances cotonneuses seront à nouveau comblés.
Mais le premier nom qui vient à l’esprit à l’écoute de Rare Birds, c’est assurément The War On Drugs. Avec flagrance sur « Over The Midnight », impressionnante pièce atmosphérique de huit minutes, qui prend l’aspiration derrière la course aux synthétiseurs de la bande à Adam Granduciel, pour les coiffer sur la dernière ligne droite. On salue la délicatesse de la manoeuvre. Ce pourrait d’ailleurs bien être le meilleur morceau de l’album. « Loving You », second pavé de l’album s’inscrit également dans cette esthétique new wave / americana, très réussi sans toutefois atteindre la même intensité que son prédécesseur. « Living Myself », avec ses nappes éthérées, surprend quant à lui par l’intrusion inattendue d’un refrain mélodieux très accessible. Plus traditionnel dans son approche, le piano et les violons sensibles de « Sunset Blvd », démontre cette habilité à fondre audacieusement sur disque différentes ambiances sonores sans perturber son déroulement.
Les pistes se succèdent, le plaisir est chaque fois renouvelé tant on est frappé par la variété des ambiances et la profondeur de la production. Un titre comme « Hard To Get Over », des chants tribaux incantatoires et certaines sonorités afro s’inscrivent dans la veine des premiers Peter Gabriel.
Seul faux pas, ce visuel déroutant et manifestement « assumé », soi-disant un hommage aux disques de rock progressif des années 70. Mais on est tout de même à des années lumière des pochettes cultes d’Hipgnosis et de Roger Dean. Même l’effet de perspective rendu sur la version vinyle ne nous a pas vraiment convaincu. Mais ce ratage ou faute de goût purement oculaire ne doit en aucun cas rebuter à apprivoiser ce splendide oiseau rare.
Bella Union/Pias – 2018
Tracklisting :
- Trafalgar Square 06:24
2. Me 04:49
3. Over The Midnight 08:15
4. There’s A Light 04:56
5. Sunset Blvd 05:44
6. Rare Birds 05:26
7. Hairflips 05:10
8. Miriam Montague 04:41
9. Loving You 08:31
10. Living With Myself 06:46
11. Hard To Get Over 06:30
12. Hi Ho To The Righteous 06:09
13. Mullholland Queen 05:20