Quand Marc Ribot ne joue pas pour Alain Bashung (sur Bleu Pétrole encore récemment) ou ne participe pas aux projets de John Zorn (on a pu l’entendre dernièrement au sein du sextet Bar Kokhba), il lui arrive d’enregistrer de fort recommandables disques sous son propre nom. Après un formidable Saints (2001), composé de reprises méconnaissables d’Albert Ayler, des Beatles ou de Leonard Bernstein, voici donc un Exercises in Futility regroupant une série d’études pour guitare acoustique. Un quatrième album en solitaire en forme d’autoportrait, tel que semble l’indiquer la photo du guitariste sur le livret du disque, saisi assis au milieu de ses guitares, regard emprunt de gravité fixé sur l’objectif. Signe, peut-être, que la futilité annoncée est paradoxalement à prendre au sérieux : de la légèreté et l’inaboutissement revendiqués naîtrait une profondeur insoupçonnée, une familiarité retrouvée avec les choses les plus élémentaires (des cordes de nylon, un objet creux en bois). Ce que souligne également le toucher de Marc Ribot : son langage s’offre à la manière d’une énigme, en dehors des « règles de l’art » et de tout système, comme si les notes et les accords étaient déposés dans l’instant sur une partition invisible, intime, rendue consistance à mesure qu’elle active l’imaginaire du musicien – tout comme celui de l’auditeur. Une simplicité brute se dégage de cette succession d’esquisses musicales infiniment poétiques, de ce doigté espiègle qui glisse d’une technique à l’autre sans s’appesantir, de cette recherche intuitive toujours recommencée, interminable, interminée. Tradition et méditation nourrissent en filigrane ces exercices, contribuent aussi à donner figure au jeu, autant qu’au Je. Tout bonnement magistral.
– Le site de Marc Ribot
– Le site de Tzadik
– Le site de Orkhêstra