Prolifique, Anthony Braxton multiplie les rencontres et les formules orchestrales avec une régularité métronomique et une exigence sans faille. Le 29 juin de cette année, au DOM de Moscou, il jouait en live avec trois jeunes musiciens — Taylor Ho Bynum au cornet, flugelhorn, piccolo, à la trompette basse et au trombone, Mary Halvorson à la guitare électrique et Katherine Young au basson –, devant une assistance toute ouïe et enthousiaste. Une seule composition intitulée “367B”, étendue sur 70 minutes, suivie d’un bref rappel au titre explicite, “Encore”. Nul doute que dans la discographie pléthorique de Braxton un certain nombre de disques demeurent dispensables, l’essai, voire l’impasse, faisant finalement partie intégrante d’une quête au long cours. Tel n’est toutefois pas le cas du fort réussi Quartet (Moscow) 2008, dont la durée et l’absence de découpage quelque peu rédhibitoires ne présagent en rien des multiples variations à l’oeuvre. C’est comme perdu dans un labyrinthe que l’on déambule dans cet album aux multiples recoins free, une prestation scénique qui ménage aussi des détours plus mélodiques (superbe intervention notamment de Mary Halvorson, déclinant quelques notes épurées à la guitare électrique au mitan de la composition) et des passages erratiques (dominante de cuivres en aplat par intermittence, électricité environnante, saxophone planant au-dessus d’arpèges égrenés, aparté éthéré entre deux instruments, etc.). Et comme dans un labyrinthe, l’étrange sentiment d’un retour au point de départ se fait prégnant, sans que l’on puisse toutefois garantir totalement l’exactitude de cette impression, si le chemin se précise ou se dérobe. D’où la nécessité d’une dynamique temporelle continue qui place l’auditeur à l’intérieur d’une musique in progress, chaque mouvement recouvrant le précédent ou s’en faisant l’écho, dans un flux constant de textures et de formes enchâssées. Avec pour seul fil d’Ariane le souffle tendu d’Antony Braxton : à la fois mise en tension et respiration, sortilège et délivrance, il est le seuil de tous les possibles.
– Le site de Orkhêstra
– Le site de Leo Records