Paul RamoneLe téméraire Jason Molina a beau multiplier les projets musicaux et les exils incessants de l’Indiana à Chicago jusqu’à Londres, ce songwriter attachant moud toujours la même mélancolie austère dans ses chansons. Depuis son collectif « solo » Songs : Ohia lancé en 1997, terminé en 2003, ce pilier du label de Bloomington Secretly Canadian, n’a cédé à une aucune mode, s’afférant à composer une americana de caractère, à la fois rêche et disserte. Aussi, la dernière livraison, Josephine, ne déroge pas à la règle : lap steel mélo-countrysante, voix monocorde (du) crue, guitares noctambules tendance Loner et dépression Palacienne sont au menu de ce cinquième album de Magnolia Electric Co. (en incluant un album live et un coffret). La seule nouveauté n’en est pas vraiment une : le groupe a réinvesti les quartiers de Steve Albini, le fameux Electrical Audio studios déserté depuis Fading Trails (2006). Comme toujours, la mise en son fignolée par le célèbre ingénieur studio de Chicago (rappelons qu’Albini ne s’est jamais considéré comme un producteur) rend justice à l’orchestre (neuf musiciens tout de même sur cet opus) et apporte une authenticité, une vérité serait-on tenté d’avancer, que l’on ne retrouve dans le genre que chez Will Oldham et dans les premiers Smog. Hélas, si le sens de l’épure est inattaquable, l’écriture reste problématique. Et le fait que Josephine soit hanté par la disparition du bassiste Even Farrell — qui a péri en décembre 2007 dans l’incendie d’un appartement — ne change pas grand-chose à l’affaire. Quelques belles déprimes pastorales tout de même (“Josephine”, la couleur soul de “Little Sad Eyes” et son vibraphone) mais les quatorze compositions, aussi dignes soit-elles, manquent de danger. Malgré toute notre bonne volonté, passée la moitié de sa durée, le temps devient accusateur. Dommage, car l’on se prend à rêver de ce que cet artisan respectable pourrait faire s’il était un tant soit peu habité par quelques mélodies. Mais sur ce point-là, tout espoir n’est pas perdu.