Le songwriter canadien le plus honteusement délaissé de la planête vient de faire paraître son sixième album. Aucune baisse de régime n’est à signaler dans Cobblestone Runaway qui repose sur une discographie de plus en plus imposante.


C’est bien connu, du summer of love à l’explosion punk, le rock doit toujours à l’air du temps ses révolutions les plus spectaculaires. Mais les engouements passagers du public deviennent vite paralysants lorsqu’ils tournent à la sclérose narcissique : celle d’un genre musical qui ne semble plus tirer son pouvoir de fascination que de ses exploits passés. Retour de l’expérimental avec le post-rock et ses dérivés, retour du bon vieux rock à guitares, revival psychédélique ou grunge…

Le seul moyen d’échapper aux éternels retours du moment est de revenir à l’essentiel. Ainsi il subsiste quelques authentiques créateurs qui ont choisi de tracer leur propre chemin silencieusement, presqu’en chuchotant. C’est un peu le cas du Canadien Ron Sexsmith, loué par les plus grands et pourtant peu écouté, poursuivant discrètement sa route, depuis plus de sept ans, sans éclats spectaculaires mais avec toujours une authenticité que beaucoup devraient lui envier…


On suit donc avec délectation cette voix classieuse mais non dépourvue de félures et rugosités. On s’émerveille des mélodies qu’elle dessine, si subtiles qu’elles finissent par paraître couler de source… C’est sans doute ainsi que l’on peut redécouvrir ce qui importe avant toute chose : la vérité d’une voix ou d’une note de guitare, l’univers musical qu’un songwriter fait vivre. Vous l’aurez compris : l’écoute de Cobblestone Runaway nous conduirait volontiers à confier à Ron Sexsmith le rôle de Nick Drake d’une génération. Mais ce serait déjà l’enfermer dans une logique dont il s’écarte d’emblée.


Ainsi on chercherait en vain chez lui la moindre concession gratuite aux artifices éphémères des modes musicales, ou à l’opposé un parti-pris d’épure qui viendrait un peu trop facilement prendre à contre-pied les accès nostalgiques, même brillants, du moment. Au diable le disque du mois et les pronostics sur sa position dans le futur top five de l’année ! Dans chacune de ces douze chansons, tout paraît à sa place, tout s’anime et prend forme avec une évidence désarmante. Voilà le signe des grands artistes, des disques que l’on réécoutera dans dix ans parce qu’ils s’imposeront toujours avec la même force : tout simplement.