Premier album d’un duo anglais, The Soulsavers convie sur Tough guys don’t dance le mysticisme, Josh Haden, la peur, le sacré et l’interdit. Hallelujah!


Ne vous méprenez pas mes frères. Tough guys don’t dance n’a a priori rien d’un manifeste religieux comme pourrait le faire pressentir le nom des auteurs, The Soulsavers. Nous n’avons pas à faire ici à des évangelistes prêchant la bonne parole sainte mais plutôt à des hédonistes qui s’évertuent des plaisirs de la musique. En bons épicuriens, on voit plus les membres de Soulsavers rassembler leurs fidèles pour communier sur la joie de vivre, les inciter au sexe que les rediriger vers la voie spirituelle. Pourtant, tout laisserait penser du contraire. Entre un nom de groupe emprunté à l’église dominicaine et un nom de label tiré de celui d’un apôtre, nos protagonistes ont le goût de brouiller les cartes et ce jusque dans leur musique qui est loin du gospel traditionnel rassemblant les moutons égarés.

Originaires de Manchester, Rich Martin et Ian Glover se sont rencontrés dans un magasin de disques où ils usèrent les platines pour se forger une culture musicale. Boulimiques de sons aux influences disparates, les mancuniens puisent leurs inspirations aussi bien chez Alice Coltrane que Miles Davis, Public Enemy, Pixies, Jane’s Addiction ou Aphex Twin.

De ce patchwork musical détonant resortiront des compositions plus proches d’une pop ouatée aux accents hip hop qu’une électronique conçue pour les dance-floors. D’ailleurs, le duo ne cache pas son attirance pour la pop (anglaise), ils ont fait leurs armes sur des remixes notamment de Starsailor et des Doves, mélangée à un beat hip hop, une direction qu’ils envisagent de prendre pour leurs futurs productions.

Une fois toutes ces influences bien digérées, le groupe décide alors d’entrer en studio pour graver leurs idées sur cd. Le résultat sera le maxi Beginning to see the dark, sorti chez City Rockers en 2002, un bouillant condensé de leurs discothèques, hymne à la période Madchester. Dans ce maxi, on retrouve dansant à l’hacienda, New Order et les Happy Mondays, les Stone Roses et 808 State, My Bloody Valentine aux bras des Woodentops.

Se détachant peu à peu de ces références lourdes à porter, le duo anglais part à la recherche d’un univers propre. Après un hommage à leurs disques de chevet d’adolescents, le groupe décide de tourner la page et de se mettre en danger, façon d’emmener leurs compositions sur un terrain non balisé. Remettant tout à plat, ils font appel à un ami cher, Josh Haden alors en plein enregistrement avec Dan The Automator de son album solo Devoted. Ce dernier amène de l’air frais et une nouvelle approche musicale bénéfique pour prendre un nouvel envol.

Sorti sur leur propre label San Quentin Recordings, Tough guys don’t dance se nourrit de ce côté sombre et mélancolique de la voix de Haden. A l’image de la pochette du disque très Lynchienne, la couleur dominante serait le rouge pourpre lorsque le ciel est prêt à se déchirer entre feu et traîne. Martin et Glover nous convient à un road movie sur les traces de Lost Highway ou Blue Velvet. Dès les premières notes de « Cabin fever », on sait à quoi s’en tenir. La pente est glissante, le rythme enjoué, la route sinueuse. Pour entrer dans l’ambiance de l’album, inutile d’emprunter des voies de garage, l’accès direct est le plus pratique.

Aux premiers abords peu chaleureux, l’atmosphère se détend peu à peu. Sur « Love », Josh Haden entonne une complainte amoureuse qui nous berce de sa mélodie oscillante. Puis l’instrumental reprend le dessus toujours aussi inquiétant avec ses nappes synthétiques oppressantes.

« Closer », titre mystique avec un orgue envoûtant qu’on croise plus souvent dans les chants religieux, accompagné d’un beat saccadé engage le sacré et l’interdit sur l’autel de la passion, flippant. Puis Josh Haden revient pour une troisième fois habiter le disque. Sur « Precious time », il offre un peu d’optimisme et propose de laisser les sentiments s’échapper. On aimerait le croire mais le final « Blackout » assombrit le décor. On comprend dès lors le titre de l’album.

The Soulsavers ont voulu un disque mature et iconoclaste où l’on danse plus facilement seul qu’en duo. Pourtant l’album a de quoi être fédérateur. De là à sauver nos âmes, seul l’avenir nous le dira.

-Le site de Chronowax