Très attendu depuis la mémorable tournée Smile, le génie des garçons de la plage revient après huit ans d’absence discographique. Malheureusement décevant.


Après les mémorables concerts de la tournée Smile, ce nouvel album solo de Brian Wilson était très attendu. Gettin’ in over my head succède pourtant à Imagination (1998), livraison médiocre d’un songwriter en panne d’inspiration. La voix de Wilson, perdue à jamais, se débattait dans une production variété-FM difficilement supportable. Entre-temps, six ans – et deux tournées triomphales – se sont écoulés. Assez, donc, pour relancer le slogan « Brian is Back », argument récurrent depuis… le milieu des années 1970 !

En effet, selon les points de vue, on pourra considérer que la véritable carrière du génie Brian Wilson et de ses Boys s’est terminée lors de l’échec de Smile en 1967, ou lors de la parution de l’album Surf’s Up en 1971 (voire Holland en 1973). La suite n’a été que tentatives de come-back plus ou moins couronnées de succès. Pour les réussites : The Beach Boys Love You (1977), petit chef d’oeuvre initialement prévu pour être un premier album solo, ce que sera effectivement Brian Wilson une décennie plus tard. Pour les ratages : un 15 Big Ones (1976) de triste mémoire et, justement, Imagination.

Où placer, alors, Gettin’ in Over My Head ? Les deux catégories semblent s’y mêler, d’où une impression globale assez mitigée. D’un côté, le disque reprend certains morceaux des fameuses sessions de 1996 avec Andy Paley – sans doute la plus belle réussite de sa carrière solo, pourtant réservée au bootleggers. De l’autre, ce nouvel album bénéficie – si l’on ose dire – d’une participation d’Elton John et d’un compositeur de Céline Dion

Brian Wilson a toutefois puisé largement dans ces sessions, et dans celles de son deuxième album avorté, Sweet Insanity. Ce sont les meilleurs moments du disque (« Gettin’ In Over My Head », « Saturday Morning in the City », « Desert Drive » ou encore « Rainbow Eyes »), même s’ils manquent tout juste d’être ruinés par une production lourde et d’assez mauvais goût. On regrette alors la simplicité des démos des Paley sessions originales, ou la finesse de la production de Don Was pour le plaisant I Just Wasn’t Made For These Times. Mais le pire de ce point de vue est sans doute la guitare pesante d’Eric Clapton sur « City Blues ».

Dans les albums précédents, la beauté saisissante des compositions parvenait à éclipser les nappes de synthétiseurs (Brian Wilson) ou l’ineptie des paroles (The Beach Boys Love You). Ici, le miracle ne se produit pas. On est presque gêné devant « The Waltz », bluette adolescente peu inspirée chantée de surcroît par un sexagénaire (et pourtant écrite par le brillant parolier de Smile, Van Dyke Parks…). Même la rencontre de deux géants, Brian Wilson et Paul McCartney, paraît anecdotique (A Friend Like You) !

On ne trouvera même pas d’étincelles comparables à « Love and Mercy » ou « Melt Away » sur le premier album, ou à « She Says That She Needs Me » ou « Where Has Love Been » ? sur Imagination. Citons malgré tout l’excellent « Soul Searchin' », où la voix du défunt Carl Wilson nous fait presque retrouver les Beach Boys des seventies – même si on préfèrera nettement la version du dernier album de Solomon Burke. Ou encore « You’ve Touched Me » ou « Saturday Morning in the City », qui rappellent les premiers morceaux surfs – comme d’ailleurs « Desert Drive », sorte de relecture de « Shut Down » – et le superbe Christmas Album de 1965.

A vrai dire, ces modestes éclairs d’inspiration donnent plutôt envie de réécouter Surfer Girl, All Summer Long, sans parler de Smile dont Brian Wilson prépare une sortie officielle à la rentrée. Mais le groupe qui l’accompagne, les Wondermints, qui font pourtant des merveilles sur scène, ne brillent pas ici. On ose espérer que l’oeuvre maîtresse du génie qu’était bel et bien Brian Wilson en 1966 et 1967 ne sera pas défigurée par le même traitement sonore.

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