Un disque inhabituel qui distille jazz, blues, gospel et opéra. Il est le fait de deux soeurs abrités sous le parasol Cocorosie. Plein de fantaisie et d’une émotion rare, ces minettes sont généreuses et on les en remercie !


CocoRosie ce sont deux soeurs : Bianca et Sierra Cassady, toutes deux originaires de New York. La première a rejoint la deuxième à Paris pour enregistrer la chose, d’où vient probablement le titre de l’album et cette ambiance générale qui plane tout au long du disque et qui doit ses lettres de noblesse aux vieux disques 78 tours et aux jouets pour enfants -et pourquoi pas trouvés au marché aux puces de la porte St Ouen-.

La maison de mon rêve est le résultat patent de la rencontre entre les deux soeurs (qui ne s’entendaient, dit-on, pas si bien que ça auparavant) et qui nous font partager sur leur premier album leurs délires et autres fantaisies foutrement bien ficelées. Elles aiment se déguiser aussi -le livret en montre une avec une moustache dessinée- et jouer au couple époque début XXeme siècle. Les gamines savent aussi entretenir le sulfureux et l’ambiguité, à l’instar du baiser sur la pochette du disque qui ne semble avoir d’autre but que de choquer…

Dès les premières notes de « Terrible Angels », le ton est donné. C’est une boîte à « Hihan » (sorte de boîte à « meuh » mais ici c’est l’âne qui est à l’honneur) -il en a pour tous les goûts-) qui donne le rythme, et l’on sent bien vite que l’on va avoir droit à du tiré par les cheveux. Mais la fratrie a réussi, au gré des douze chansons qui composent cette galette, à distiller une émotion qui fait mouche, et l’on se surprend très vite à être accro à ce disque, et à ne plus pouvoir s’en passer. On comprend aussi que tout ceci -le disque, la pochette, les jouets en guise d’instruments, les déguisements, le côté lo-fi manisfeste- participe à penser que l’on se trouve devant un phénomène culturel plus important et surtout plus ambitieux qu’il n’y paraît, à l’instar de Tom Waits.

Le deuxième titre, « By Your Side », étend la palette de leur savoir-faire : des chants d’oiseaux en filigrane, une des deux soeurs susurre un refrain à la Moby, proche du blues donc (car Moby n’a pas fait autre chose que de piquer des bandes de blues…), pendant que l’autre chante, d’une voix délicieusement divine. On croirait entendre Billie Holiday. La beauté des mélodies est époustouflante. On a envie d’épouser les deux soeurs sur-le-champ, en hommage autant au dadaïsme qu’à tout le surréalisme. Les chansons sont faites de bric et de broc, il y a un vrai/faux côté minimaliste, faisant penser aux albums solo d’un Howe Gelb mais aussi et surtout aux expérimentations plus que lucides du grand Tom Waits. (histoire de le citer plusieurs fois – il le mérite plus qu’amplement)

On a même droit à une incartade orientale et paisible sur « Tahiti rain song », qui s’ouvre sur du champagne que l’on sabre, où des casseroles sont appelées à rythmer la chanson pendant qu’on entend la pluie qui s’abat au dehors. Tout cela a l’air tellement improvisé et naturel que : soit ça l’est, et on est devant de véritables génies, soit ça ne l’est pas, et on est devant de véritables génies de la technicité. Enfin, dans tous les cas, ce disque est le fait de génies !

« I once fell in love with you just because the sky turned from grey into blue ». Voici un bel exemple de la simplicité des paroles qui vont droit au coeur. Elles peuvent aussi se faire plus engagées : « Jesus loves me But not my wife Not my nigger friends Or their nigger lives ».

Rosie (Sierra), celle qui a la voix extraordinaire, va même jusqu’à nous montrer qu’elle sait chanter de façon très lyrique sur « Candy land ». Pas étonnant puisque la jeune gazelle a un background d’opéra classique derrière elle, qu’elle tente -avec succès- de servir à une autre sauce. Une harpe, instrument par excellence appartenant au registre de l’opéra, vient pointer le bout de son nez ici ou là.

Outre les voix angéliques des deux soeurs, une guitare sèche constitue la trame de tout le disque. Et peut-être le seul instrument classique avec le piano. Et c’est Sierra qui s’y colle, la diva d’opérette, pendant que sa soeur fait tout le reste, à savoir tout et n’importe quoi avec n’importe quoi. Mais le résultat est là : incroyable !

Pour le côté people, sachez que l’une des deux -probablement celle qui a rejoint l’autre à Paris- était la petite amie de Devendra Banhart . Si quelqu’un a des photos volées, il peut les envoyer à Voici…

Assurément dans mon top 5 de l’année 2004, voire du quinquenat. La vie est belle!

Pas de site du groupe, dommage, ça aurait pu être pas mal…

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