Du punk militant aux allures tribales : voilà ce que nous offre ce vieux groupe qui fête ses 25 ans. De là à les entarter il n’y qu’un pas…


Les Hollandais de The Ex, en vieux de la vieille (25 ans qu’ils sont là tout de même), restent et demeurent encore et toujours fidèles à eux-mêmes. La rébellion contre le système et tout ce qu’il englobe (armée, médias, Etat, grand capitalisme…) et la promotion de l’art dans ce qu’il offre comme alternative à l’asservissement généralisé constituent leur credo. Ils joignent d’ailleurs souvent le geste à la parole, par exemple en squattant ou en étant actifs dans les graffiti.

Appelé lors de ses prémisses Ex-Music, alliant le punk au jazz, donc mêlant la furie, l’énergie et la rage à l’improvisation, mais aussi maints éléments appartenant à ce que l’on pourrait sommairement qualifier de world (eux préfèrent le terme de musique ethnique – en clair, comprenez, en sous-titres, qu’ils sont très ouverts et très flexibles), The Ex a su évoluer avec son temps, avec toujours cette demi-longueur d’avance sur les autres. On peut sans nulle peine dire d’eux qu’ils ne sont pas comme un vulgaire groupe lambda, mais plutôt comme un collectif artistique dont les membres changent au gré des saisons (enfin presque, disons des décennies). Proche autant des Mothers of Invention de Frank Zappa et des Velvet Underground que des bruitistes surdoués de Sonic Youth ou Yo La Tengo, The Ex séduit par sa richesse complexe. Et puis on retrouve Steve Albini derrière les manettes.

Le credo du consortium est annoncé dès l’explicite « listen to the painters », un appel soutenu aux poètes, peintres et autres artistes à créer. On comprend que the Ex se veut être surtout une philosophie de la vie, un guide du débrouillard moderne. L’art comme ultime salut de l’âme, voilà ce que propose The Ex. « Prism song » semble avoir été taillé pour Sonic Youth avec ses guitares acérées et criardes, et son chant féminin qui sonne faux – juste comme il faut. On siffle ici, on invite un violoncelle là, tout est prétexte à faire de la musique et de la mélasse créative. Et bien sûr comme on se fout des formats usuels par ailleurs, les titres partent parfois sur des impros dignes du jazz, comme sur « Getatchew ».

« The Pie », hymne à la gloire de l’entartreur belge (comme quoi ils ont aussi de l’humour), offre par ailleurs le mode d’emploi pour entarter la personnalité de votre choix. C’est Noël Gaudin qui doit s’en lécher les babines, lui qui a écopé d’une amande de 5000 euros pour avoir entarté Chevènement (s’il y en a bien un qui le méritait, c’est lui non? – à part Le Pen bien sûr) et qui a raflé la dite somme lors d’une soirée dans une boîte de nuit à Bruxelles.

Nous voilà tous rassurés. La rébellion peut prendre diverses formes, dont les plus comiques et/ou artistiques ont quelque part pris le relais sur des manifs dont tout le monde se fout désormais. En d’autres termes, une tarte sur Raffarin vaudra bien tout le reste… Le style s’élague peu à peu pour ressembler à un bataillon furibard qui avance dans le brouillard et se laisse distraire par tout et n’importe quoi (on a même droit à ce qui doit être une trompette-jouet sur « IP Man »), ou une fanfare dont les membres ont bu jusqu’à plus soif… Ah que c’est beau l’art : il permet toutes les justifications. « He’s pissing in my ear » qu’il chantent…

Les percussions sont elles aussi largement présentes, et particulièrement sur le deuxième CD. Leur récent voyage en Ethiopie les a marqués, et ils le font donc savoir. « Theme from Konomo » est un plaidoyer, chanté au porte-voix, pour l’Afrique. « It’s time to give back » implore-t-on ici, lassé de voir l’état du continent noir. « Huriyet » poursuit sur cette même lancée africaine, le mot signifiant liberté et étant directement inspiré de l’indépendance de l’Erythrée, pays voisin et en guerre latente avec l’Ethiopie. Mais attention, ici, on a droit à des choeurs locaux, ce qui donne un accent plus qu’africain à l’album, de fait une oeuvre du terroir local. Les compos, comme sur « Sister », semblent toujours mener le groupe à jouer des riffs qui semblent tourner en rond, appuyés par une batterie-locomotive du plus bel effet. Non, assurément, on prend plusieurs fois son pied devant ce doublé atypique. « The Idunno law » explore les terrains minés par Tom Waits. Enfin, « In the event » nous offre la voix d’un français récitant des numéros et des adresses.

S’il fallait absolument les classer quelque part, disons que leur double CD irait se colloquer entre Wire et The Fall. C’est clair?

PS : Mis entre n’importe quelles oreilles, le disque peut paraître éprouvant car il utilise les mêmes rythmes que les tribus, où l’étourdissement – voire la transe – l’emporte sur le reste. Mais même dans ce cas-là, l’expérience reste intéressante.

-Le site de The Ex