La bande expérimétale de Patton est de retour pour 30 morceaux de délirium qui reviennent à leur premiers amours après deux albums inspirés par le cinéma.


Chroniquer un disque de Fantômas est toujours un plaisir, que dis-je, du petit lait. Faisant suite à Delirium Cordia – et enregistré en même temps -, qui s’était quelque peu égaré à faire une seule et même plage alors que d’habitude Fantômas s’était fait le spécialiste des titres ultracourts, sautant du coq à l’âne sans crier garde. Nous voilà rassurés, Suspended animation revient aux premiers amours du groupe, et ressemble du coup plus à Fantômas qu’à The Director’s cut . Jugez plutôt : 30 titres en 43 minutes, qui sont présentés sous la forme du calendrier du mois d’avril, chaque titre pouvant s’écouter à la queue leu leu des jours qui défilent. Sauf que le disque ne sort que le 5 avril… Bizarre, mais Mike Patton n’en est plus à une bizarrerie près, si?

Comme le laisse sous-entendre la – superbe – pochette (signée Yoshitomo Nara), on a droit ici à quelques sons piqués dans les dessins animés (mais pas tant que ça, et surtout moins que ce que certains s’imaginaient avec un tel titre et une telle pochette), et, nouveauté, à des sons piqués à des jouets pour enfants (ou même un manège déglingué sur « 19 avril ») aussi bien qu’au film d’animation Toy Soldiers. Le plat de résistance (si tant est que l’on puisse qualifier quoi que ce soit de la sorte ici) étant du métal, qui lorgne tantôt du côté de Slayer – riffs speedés – tantôt du côté de la puissance de Sepultura (« 13 avril »). Le jazz à la Mr Bungle est également de la partie, et quelques parties de classique, voire d’opéra (« 14 avril »). Le genre, que l’on peut qualifier d’expérimétal, emprunte autant au métal qu’au sampling : on zappe de plage en plage, et surtout endéans les plages.

Mike Patton, égal à lui-même, y fait des gargarismes déjantés, et on a droit à du chant (encore un grand mot ici) que sur deux titres (le « 10 avril » et le « 20 avril »). Avouons en tout cas que l’on est plus étonné par la démarche du quatuor. Allons même plus loin : on s’y est habitué et on y a pris goût. Si vous avez eu la chance de les voir en concert, leur musique prend tout leur sens tant les envolées y sont… pittoresques (écoutez le « 11 avril »). La batterie de Dave Lombardo y est absolument magistrale. Buzz Osbourne et Trevor Dunn font le reste.

Quelques surprises nous attendent au tournant : « 16 avril » explore les percussions, et l’introduction du « 3 avril » est tellement superbe qu’on leur en veut de l’avoir amputé de la sorte. Certains riffs aussi sont géniaux, mais malheureusement trop courts. En effet, lorsqu’on flashe sur un petit bout, on doit déjà écouter le suivant. Il n’y a aucune place pour l’apaisement. Ce constant changement, qui demande une certaine concentration – il est quasiment impossible d’écouter ce disque lors d’un dîner entre amis, à moins que vous leur en vouliez – comporte bien sûr des côtés qui agacent ou qui fatiguent, mais c’est probablement voulu. La musique de Fantômas ne laisse pas indifférent, car elle s’attaque de front à nos sens et, surtout, à notre psyché. le tout est de savoir si c’est bon pour le moral…

Le tout se termine par Bugs Bunny : « Well, what did you expect in an opera? A happy ending? ».

A noter que le disque sera accompagné d’un livret-calendrier signé par Yoshitomo Nara.