Parmi le foisonnement d’enregistrements dub, voilà une sélection qui mérite de figurer dans toute discothèque dub reggae qui se respecte, avec une large place allouée aux petits instruments à vent du pauvre.


Lorsqu’une compile commence par un titre comme « Peace and love dub » et arbore une pochette aussi explicite, on sait qu’on est entre de bonnes mains. Le titre d’Augustus Pablo – c’est à lui que vous devez en vouloir si vous n’en pouvez plus d’entendre Damon Albarn et Mike Patton faire mumuse avec un mélodica (Notons qu’outre cet instrument, Augustus joue également le xylophone ou le clavietta – l’instrument qui fait la trame de « Superstition » de Stevie Wonder, de la même famille) -, entre jazz, soul et reggae roots, est comme de la pommade que l’on applique sur l’âme. Le reggae a toujours représenté une forme d’heuristique thérapeutique qui fluidifie sinon le sang du moins les pensées. C’est du reggae basique – entendez par là riffs + chant + percussions + basse + principalement les instruments de la famille citée plus haut – qui nous est servi ici.

Très souvent en dub, technique popularisée par divers producteurs (dont les célèbres Lee Scratch Perry, Mad Professor ou King Tubby, présent ici) et studios comme Studio One ou… Leonard Chin et son Santic record co.. Respectivement producteur et label très select de la Jamaïque, surtout dans la première moitié des années 70, ce CD, deuxième du genre (il fait suite à An Even Harder Shade Of Black), compile les années 73 à 75, et se veut le passe-témoin historique du bonhomme. Comme les précités, cette technique a été exploitée en long et en large par des producteurs derrière leurs manettes, s’amusant dans un premier temps à expérimenter les sons charriés par l’enfoncement ou non de tel bouton etc… devenant par la suite un style à part entière ouvrant les portes d’une autre perception du reggae, voire d’un genre à part entière.

Les titres se succèdent dans un succédané historique – donc – du genre. On sera heureux de retrouver un Horace Andy (la voix de Massive Attack…) dans la fleur de l’âge, chantant un excellent « Don’t let your problems get you down, it will put you in it » ou comment le reggae professe la philosophie… mais aussi un I-Roy en très grande forme : “apparently my name is not Mickey Spillane, nor Alfred Hitchcock, but I’m really solid as a rock, s’I would say…” . Ces sons se sont tellement immiscés dans le reggae contemporain que beaucoup ne peuvent – que – se tourner vers le passé s’ils veulent entendre l’acoustique et ce côté soul qui a popularisé le genre, première musique du tiers-monde à avoir dépassé les frontières de la pauvreté grâce au grand Bob Marley. Mais avant et pendant Bob il y a eu beaucoup de noms qui ont contribué à en faire un style éminemment riche. Le chant inspiré des Leonard Santic All Stars rappelle au novice que c’est bien de la soul que tout est parti. En effet, le disque démontre également l’importance de la voix, car aucune ne se ressemble ici et pourtant chacune a un timbre qui vaut autant le détour que les voix de la soul. Freddie McKay est à ce propos une voix à découvrir. Last but not least, comme tout bon disque de l’époque, la basse, sur un équipement de qualité, fera trembler vos fenêtres tout en donnant à votre intérieur une seconde vie illuminée…

« Santic rock » est probablement l’émeraude parmi les perles que constituent tous ces titres. Rien de moins.

Le site du label Pressure Sounds