Tenant leur nom des films I Am Spartacus et Klute, I am Kloot navigue loin des modes et des conventions. Leur troisième album scrute non seulement leur âme, mais aussi la nôtre.


Contrairement à ce que j’ai pu lire déjà ici et là concernant cet album (ou plutôt les deux précédents), je ne suis pas tout à fait d’accord. Leur précédent opus, I am Kloot, contenait des chansons du même acabit que celles de Gods and Monsters et l’on pouvait déjà prévoir la suite, meilleure sans doute, mais logique surtout. Le trio voulait aller au bout, ils y sont parvenus ici. Rappelez-vous les paroles professées dans le précédent opus, quand, accompagné par une guitare sèche, John Bramwell y chante comme « hey can you fix me another drink, i’m better when i don’t think, i think it gets me thrugh« . Ils font très fort dans un domaine, la vie de tous les jours, et cela touche l’auditeur, perdu, tout comme les membres de ce trio, dans les contradictions qui font la vie. Dans ces petits quelque chose qui font toute une vie… et qui fait qu’on chérit cet album et ce groupe comme nul autre, tout en sachant que plus que jamais le plaisir ne peut être que solitaire. Ici, dans « Astray », John Bramwell murmure : « Time moves so fast that now there doesn’t seem to be any, once it felt that there was more then plenty, I do believe that someone somehow sent me« …

Enregistré dans le même studio que Badly Drawn Boy, avec qui ils partagent les origines, Manchester, avec leurs amis Alfie et Elbow, Gods and Monsters semble avoir bénéficié de la même mélancolie du temps qui passe… et qui finit par avoir raison de nous tous. Joué magistralement par trois musiciens hors pair, l’album atteint sur certains titres un niveau comparable aux Doors, surtout avec le titre éponyme, d’une richesse à la hauteur de la bande à Morrison. La voix de Bramwell n’est pas comparable, non, et puis ici les portes de la perception ne sont pas tributaires des drogues… non, nous avons ici un groupe vrai, qui se livre, pensant, à raison, que ses émotions et ses sentiments ne sont pas si isolés que ça…même si, in fine, on est toujours seul. Les paroles valent leur pesant d’or également : “Gods and monsters” par exemple sur le fait que l’on s’éloigne de soi si souvent… la voix de John Bramwell n’a jamais aussi bien collé à celles-ci, apportant à l’album un côté sombre et mystérieux qui intrigue… et auquel on s’attache irrémédiablement.

Le piano est très présent sur cette galette, ce qui donne aux titres une majesté supplémentaire. « Avenue of Hope » par exemple est superbe, à rapprocher du jazz. On serait tenté de parler de folk en ce qui concerne les guitares sèches, mais ce serait trop réducteur. « I believe » semble être la ballade « Jules et Jim » du groupe, leur credo en quelque sorte.

« Hong Kong Lullaby » se rapproche de l’univers des Tindersticks. « Strange without you » et « Avenue of Hope » de celui de Calexico, surtout avec l’intrusion de cette trompette, ou les percussions sur « Dead men’s cigarette ». Mais dans sa globalité, c’est surtout au dernier Madrugada que Gods and monsters se rapproche le plus – c’est là qu’il trouvera à se ranger – : de la même façon, ils semblent avoir pioché dans le son américain et latin leurs orchestrations, et ce dépouillement de l’âme. Avec toujours les Doors en filigrane.

Certains mots pourraient donner l’impression que l’on a affaire à un album si mélancolique que l’on serait prêt à se jeter par la fenêtre en l’écoutant… Il n’en est bien sûr pas du tout question. La beauté prend parfois de tels accoutrements que l’on confond cela avec la tristesse.

Le site de I Am Kloot