Poids lourd du Space rock depuis le monumental Airs Above the Station, Kinski prend le maquis et explore de nouveaux chemins plus tortueux sur ce quatrième album. Moins de puissance, mais plus d’espace.


Après le séisme laissé Airs Above The Station en 2003, monument de space rock/heavy, Kinski s’est imposé sans effort apparent comme le combo le plus puissant du label Sub Pop. Maître des envolées instrumentales apocalyptiques, les influences du quatuor instrumental de Seattle ne s’arrête pas seulement à My Bloody Valentine, mais parvient à insuffler une bonne dose de psychédélisme à la Kaleidoscope (version US), et autres obsessions Krautrock 70’s, sans oublier bien sûr une perfusion de riffs heavy. Pour ceux qui n’ont jamais écouté ce groupe très impressionnant, disons que si le stoner Josh Homme avait intégré les rangs de Death in Vegas, le résultat aurait certainement pu s’appeler Kinski. Véritable machine de guerre scénique, ils ont tenu tête, entre autres, à Mission of Burma, …Trail of Dead ou les allumés de Comets on Fire. Face à de tels mastodontes, leur réputation n’est plus à faire…

Si Airs Above The Station présentait une pochette urbaine saccadée, parabole d’une civilisation vouée à l’autodestruction (refrain connu), celle d’Alpine Static prend au contraire la clé des champs. Les nuages gris ont disparu et un ciel bleu surplombe nos quatre assaillants qui semblent apparaître comme par magie d’une prairie sauvage. Sans trop se mouiller, on peut déjà avancer que le leader et guitariste Chris Martin (non, rien à voir) aspire cette fois à des sensations plus organiques qu’à l’accoutumée.

Moins bardé d’effets électronique, le karma de ce quatrième opus est bel et bien plus organique et expérimental qu’Airs Above The Station. La production chirurgicale de Keep Beelman a été écartée au profit de Randal Dunn, expert en console en matière de pérégrinations barréee (John Zorn, Eyvind Kang). On est d’abord un peu désarçonné par la première écoute, où aucun morceau ne semble jouer le jeu d’Airs Above The Station – soit une montée en puissance spectaculaire. Le groupe a voulu éviter ses automatismes précédents (crescendo de tension et autres habillages electro gadget) en plongeant la tête la première dans des contrées inconnues, privilégiant cette fois la noirceur à la force de frappe.

Articulées vraisemblablement autour des jams interminables, les rythmiques électriques se font étouffantes sur un tempo tendu, exhumant bien souvent le squelette de My Bloody Valentine (“Party Which You Know Will Be Heavy” emprunte la même progression qu’“Only Shallow”) voire les riffs d’un Black Sabbath sur des pistes noisy à la Sonic Youth Gooesque. On a même droit à un thème folk revisité à la sauce ampli Marshall (Passed Out on Your Lawn), plutôt efficace. La frontière entre le hard rock et le psyché folk est souvent traversée, mais il est difficile d’adhérer à un seul camp tant cette musique est imprévisible. Seule accalmie, “All Your Kids Have Turned to Static”, devient subitement boiseux et une flûte baba cool digne de Fairport Convention s’en remet à des arpèges mélancoliques.

Désireux de se rapprocher de ses prestations scéniques, Kinski gagne en spontanéité ce qu’il perd en efficacité. En lachant un peu de leste sur sa puissance assommante, l’engouement est un peu perdu, vis à vis de cette formation capable, on le sait, d’échafauder des plans de batailles explosifs, nucléaires même. Ce qui n’empêche pas Alpine Static d’être un disque de space rock parano tout à fait recommandable, surtout pour ceux qui n’ont pas connu les méfaits précédents. Du coup, on rêve de présenter Kinski à Werner Herzog, un allié sonore potentiel digne de la folie de son vieux rival et acteur homonyme.

-Lire également la chronique d’Airs Above The Station

-Le site officiel de Kinski

-Ecouter « The Wives of Artie Shaw » (mp3)