Un disque universel qui, glissé sous le sapin de noël, ne fera tâche ni dans les mains de gamin ni dans celles de bobonne ! Le génie est à ce prix.


J’en veux à pas mal de monde, à commencer par cet écrivain, là, qui a écrit ce formidable livre qui hante les nuits de tout amateur de musique qui se respecte : Nick Hornby et son bouquin Hi-Fidelity. J’en veux aussi aux artistes musicaux que l’on recense depuis le début de l’année. C’est vrai quoi à la fin ! La qualité de tous ces disques, doublée de ce désir insatiable d’en dresser des listes, fait que cette année sera l’une de celles à épingler par un in satisfecit flagrant. Il y en a trop, trop de trop bons. A l’ère de la Star-Academy et des sonneries de GSM, c’est le comble !

Si je vous parle de ça, bien sûr, c’est parce que ce formidable A band in a box rentre dans cette catégorie enviée et enviable des best of de l’année, et ce de manière très violente, ce qui remet pas mal d’idées ancrées en doute. Et vas-y qu’on arrache les petits post-it sur le tableau de bord du centre névralgique de Pinkushion !

Et pourtant. On savait dès le début, que dEUS enfermait peut-être trop de talents dans un seul groupe. Car qui dit trop de talent dit trop d’ambitions différentes : en effet, il est très rare qu’un groupe compte plusieurs génies, au risque d’éclater en engueulades, en déchirure, voire en empoignade. Les exemples ne manquent pas, et citons, for the record, les Beatles en guise d’exemple à méditer.

Stef Kamil Carlens faisait partie de ces génies, mais c’est à l’amiable qu’il partira, préférant se consacrer à ses projets en solo. Il forme son groupe, Moondog Jr, qui deviendra Zita Swoon par la suite pour des raisons juridiques (trop proche de Louis ‘Moondog’ Hardin). Zita Swoon, que l’on qualifie au mieux de jazz, au pire d’expérimental bizarre ou de fourre-tout hybride, aussi bizarre et loufoque que ses pochettes à vrai dire. On sait maintenant que la folie qui s’égrainait dans Worst case scenario et In a bar under the sea, provenait en partie de lui, troubadour qui aime jouer au fou du roi.

Alors que sa carrière bat son plein avec l’album A song about a girls, notre ami a envie de se lancer dans un nouveau projet : faire une tournée des bars et des lieux où culture peut se mêler et pourquoi pas rimer avec biture. Au moins, on ne risque pas de tomber dans une mélasse insipide et formatée. Une seule chose compte : jouer au beau milieu du public, histoire de renouer avec l’esprit des troubadours et autres amuseurs de rue, devant un public pas forcément venu pour vous, et qu’il s’agit de séduire.

Poussant plus loin cette idée, fort du succès de la tournée française, Stef Kamil Carlens décide d’enregistrer un disque dans ces mêmes conditions, en une seule prise donc, mais sans le public. D’où le nom du disque : A band in a box, le box étant ni plus ni moins que la très belle salle du Vooruit, à Gand. Ce que le vocable Box renferme et pourrait évoquer de négatif, Zita Swoon s’évertue à le contredire, et à donner à sa musique une respiration, un espace, une volubilité jamais atteinte. En un mot comme en cent : un sens, par et pour tous les sens.

Entouré de trois soeurs ravissantes et douées à la voix très gospel (Kapigna, Eva et Leonie Glijsels), de son alter-ego Tom Pittens (piano, guitares, voix) et de ses autres musiciens [[Aarich Jespers (Batterie, percussions), Kobe Proesmans (batterie, percussions, violon), Joris Caluwaerts (Accordéon, Fender rhodes, piano) et Bart Van Lierde (basse, contrebasse).]], Stef Kamil Carlens (chant, guitares, basse) nous abreuve d’un set gargantuesque et classieux.

Passant du registre de l’intimité (« hey you, Whatshadoing ? » ; « You’re a big girl now », reprise de Bob Dylan) au funk (« Intrigue » ; « Jintro & the great luna ») du rock en transe (« Remember to withold » ; « My bond with you and your plant : disco ! ») au reggae (« Hot Hot Hottest » ; le Gainsbarré « Individu Animal »), du tsigane (« Thinking about you all the time ») ou du jazz-blues (« De quoi a besoin l’amour ? ») au soul-gospel (« Song for a dead singer » ; « Selfish girl »), Zita Swoon nous prouve qu’il fait partie des plus grands, quel que soit le terrain musical exploré ou la langue chantée (anglais ou français). Les trois soeurs Glijsels, outre des chorégraphies insoutenables de naturel, ensorcellent par un chant noir très touchant. Zitra Swoon semble si bien épaulé que l’on pense plusieurs fois à Fela Kuti, à Jimi Hendrix ou à Bob Marley. Chez les contemporains, ce disque peut se ranger à côté du There will be a light de Ben Harper & the blind boys of Alabama. C’est dire s’il a du génie !

La version DVD, donc visuelle, des mêmes titres est un pur régal. Quant aux trois titres enregistrés à la guitare sèche avec sa bande, dans la cage d’escaliers (Moving through life as prey), et dans une salle du Vooruit (« Me & Josie on a Saturday night » ; « Raining Pleasure »), ainsi que « Our daily reminders » dans le grenier portent, pour une fois, bien le nom de bonus. Enfin, un petit documentaire sur sa tournée française éclaire certaines lanternes et donne à voir un musicien généreux et naturel.

-Le site de Zita Swoon