Sacha Toorop est un bonhomme merveilleux. Affable, sympathique, souriant, vrai… Pas étonnant qu’il ait bossé avec Françoiz Breut, Dominique A ou Yann Tiersen (la confrérie des bretons?). Son dernier album en solitaire, Mangrovia, est un pur bonheur, très révélateur de la personalité de Sacha Toorop, ouverte et curieuse.
Afin d’essayer de cerner son univers, un blind test, d’après les titres que m’évoquent son disque et sa carrière, lui est proposé…

Tindersticks : « Another night in »

– J’ai dit je suis très fort. Mais là, ça commence par du très dur! (après une bonne minute) Tindersticks? J’ai reconnu à la voix en fait. Je connais pas très bien, mais la voix du chanteur est assez reconnaissable.

Pinkushion : Je l’ai choisi surtout pour les textures de violons…

– J’ai reconnu mais c’est pas évident. En général, les blind test, je suis très fort, je reconnais tout de suite mais là… J’aime bien les Tindersticks, mais je ne connais pas très bien. Je connais un peu grâce à des gens qui me l’ont fait écouter, en tournée par exemple, dans le camion, mais je me demande si j’en ai un chez moi…

Tu vois pourquoi je l’ai choisi?

– Oui, pour le mood je pense non? C’est lié bien sûr.

Lambchop : « Up with people »

– Je dois dire que jusque-là je ne vois pas (1 minute) car c’est surtout les voix chez moi qui évoquent quelqu’un… (la voix arrive) Bowie?

Non, Lambchop

– Ah, Lambchop ! Je connais de nom mais (rires). Trop moderne pour moi ! (rires) Oui, je vois maintenant, le nom, quelques pochettes d’album…Mais je ne connais pas.

Tu vois pourquoi je l’ai choisi?

– Oui, je crois que j’ai un côté un peu américain comme ça. C’est dans mon bagage musical évidemment. J’ai été bercé dans la musique américaine par mon père. C’était un musicien qui a énormément créé, dans le monde entier, à l’époque, dans les années 60. J’ai donc été bercé par la vieille musique américaine, la musique rock traditionnelle… Mais là, Lambchop, je vois le nom, j’ai lu des articles, mais je n’ai pas de disque d’eux. Il y a une flopée de groupes comme ça qui est arrivée dans les années 90 aux Etats-Unis et je n’ai pas tout suivi…

Red Snapper : « Hot Flush (Sabres of paradise remix) »

– C’est bon j’aime bien. On a l’impression que ça va groover là. Mais de nouveau, je ne connais pas. Je peux demander des pistes ? C’est de quelle année?

96/97. On entend plus trop parler d’eux. Leur grande période c’était la fin des années 90. Groupe créé par un batteur.

– Oh là là, je ne vois pas…C’est excellent en tout cas. Et j’avais raison pour le groove (rires). Je n’écoute pas du tout ce genre de musique, alors qu’en fait j’adore (rires). Je l’écoute à la radio. Mais chez moi je ne programme pas cette musique-là parce que j’y connais pas grand chose. En fait, j’aime la musique en général, et je ne fais pas dans le détail. Je ne connais pas mais c’est vraiment bon. J’adore ce genre de musique. Dans les années 90, il y a eu une telle vague de multi-groupes comme ça qui a amené cette diversité, ce mélange des genres. J’ai pas pu tout suivre (rires). Mais je vois tout à fait pourquoi tu l’as choisi. J’adorerai faire ça.

T’as jamais pensé faire un album…

– Mais si hein (faisant de grands gestes)! J’ai déjà pensé faire des milliers d’albums (rires). J’ai eu envie, c’est clair. Mais là, par exemple, en l’occurrence, j’ai pas les moyens techniques de la machine. Je travaille à l’ancienne, je n’y connais rien en machines…

En live, ils jouaient comme un groupe de jazz.

– Oui tout à fait, j’imagine bien. Je crois j’ai davantage reçu ce genre de musique inconsciemment, par les ondes, ou par les amis, sans suivre ça de près. Mais à chaque fois, je me fais la même réflexion, à savoir que j’aime vraiment beaucoup. J’ai privilégié ça dans mes collaborations plutôt que dans ma musique en fait. J’ai fais des trucs techniques comme ça pour des gens avec qui je jouais en fait. Jouer ça c’est super !

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Bill Withers : « Grandma’s hands (live) »

– Je ne vois pas

Bill Withers.

– Ah ouais, mais je connais de nom. T’es trop dur ! (rires) Et dire que j’ai fait le malin ! (rires) C’est d’une grande richesse ça encore. Je connais Withers mais pas cette chanson-ci.

Tu vois pourquoi je l’ai choisie?

– Oui, tout à fait. J’ai eu beaucoup d’influences très concrètes mais aussi des trucs comme ça qu’on a écoutés énormément sans pour autant l’avoir à la maison et le choisir. Comme quoi…

Oui, ça ressort sans que tu t’en rendes compte.

– Ah oui, tout à fait. ça j’en suis sûr. Quand on travaille en musique, c’est clair qu’il y a un peu de ci et un peu de ça, à l’infini. Il y a tellement de choses que finalement on ne sait plus trop d’où ça vient mais ça revient forcément de quelque part et d’un mélange de trucs.

Oui, souvent quand on demande la sempiternelle question des influences, un artiste va sortir quelques trucs conscients alors qu’il y a tellement d’influences inconscientes et d’indirectes…

– C’est la raison pour laquelle je ne veux jamais donner mes influences. C’est très difficile de dire d’où provient ta musique. Au niveau émotionnel je le sais, mais musicalement ou artistiquement c’est un sacré mélange. On entend tellement de choses à longueur de journée. La musique est très présente dans la vie.

Parrondo : « It’s midnight »

– C’est José Parrondo (3 secondes). Oui, j’ai collaboré à cette chanson. (Il chantonne) ce titre figure dans Mangrovia aussi, sous une autre forme, une autre version. J’ai changé un peu le texte, j’ai été plus précis dans ce que je voulais dire. Musicalement j’ai ajouté quelques petites choses aussi. C’est José Parrondo, qui au départ, m’a suggéré cette chanson. Il m’a mis sur la piste. J’adore ce genre de boucle. C’est langoureux, lancinant.

Cette collaboration t’a-t-elle beaucoup apportée?

– En tout cas, humainement oui. Musicalement j’ai découvert comment on peut faire une vraie musique avec des jouets. C’était drôle. C’est étonnant, car je connais José depuis des années en fait, sans vraiment le connaître. Je ne le côtoie pas mais je l’ai rencontré il y a 10/12 ans. On a même joué dans un groupe ensemble très brièvement. Il était bassiste et moi batteur, avec un ami avec qui j’ai encore collaboré longtemps par la suite, à la guitare. On faisait des reprises pour se mettre en train. C’était très chouette, dans une cave et tout… (rires). Depuis, on s’est croisé, car il a habité à Liège quelques temps, puis il y a eu cet album auquel il m’a demandé de participer. En fait, je ne me suis pas rendu compte, mais c’est quelqu’un qui fait beaucoup plus dans l’illustration et la bd pour enfants que dans la musique. Je le connaissais plus dans ce travail-là. Et pourtant c’est un excellent musicien qui a l’oreille et qui écoute énormément. ça j’ai reconnu donc (rires).

Yann Tiersen : « Bagatelle »

– (3 secondes) Ah ben ça c’est Yann Tiersen avec Dominique A. Et moi ! (rires). On a fait cette chanson-là ensemble. Yann l’a composée et Dominique a écrit les textes. On a enregistré ça à Paris, dans une ambiance euphorique et bon enfant. C’était chouette. On s’est bien amusés. C’est dingue l’aspect sombre de cette chanson. Harmonique et sombre. C’était pourtant vraiment pas dans cet esprit qu’on l’a enregistrée. C’était joyeux.

Et dans quel état d’esprit as-tu enregistré Mangrovia?

– Dans un état plutôt nostalgique. Il y a un côté triste, un peu noir, un peu down, mais qui a en même temps un côté lumineux.

Comment se fait-il que tes collaborations avec Yann, Dominique ou Françoiz, voire même José ne se rencontrent pas aussi sur tes disques?

– On me pose souvent cette question. C’est pas un choix du tout. C’est une question « technique », de planning et de gestion de temps et de lieu(x). On a fait une chanson ensemble, superbe, parce qu’on s’était retrouvés avec un peu de temps en Espagne, dans un studio, pour l’enregistrement d’un autre disque. Par hasard, il se fait qu’on était ensemble. « Alors qu’est-ce qu’on fait ? Aujourd’hui on a l’après-midi! Au lieu de boire des coups, allons en studio » (rires). On a enregistré cette chanson. Une autre aussi qui est sur l’album (“interlude”), mais c’est un instrumental parce que je n’ai pas réussi à y mettre un texte tant je la trouvais complète dans son instrumentation. Finalement, Dominique a proposé des textes vraiment rigolos (rires). Ils ne correspondaient pas vraiment. Lui-même le reconnaissait d’ailleurs. Le titre était déjà harmoniquement et mélodieusement abouti. Du coup, on l’a laissé comme ça, en instrumental. Le titre en question s’appelle (interlude) d’ailleurs.

Et comment expliques-tu ce lien particulier avec des Bretons?

– J’ai beaucoup voyagé. C’est une question d’énergie je crois. On cherche chacun des choses et puis un moment donné le hasard – qui n’existe pas vraiment – a fait qu’on s’est rencontrés. On a mis nos capacités et nos savoir-faire ensemble. Cette combinaison a bien marché. On ne change pas une équipe qui gagne (rires). On a fait quelques albums ensemble.

Françoiz Breut : « Km 83 »

– Dominique A ? Ah non, c’est Françoiz Breut. Une très belle chanson de Dominique A en fait, c’est lui qui l’a écrite. On l’a enregistrée ensemble, avec Dominique d’ailleurs, dans ce fameux studio espagnol. C’est pendant cette session pour l’album de Françoiz qu’on a enregistré d’autres chansons. Les souvenirs (soupir, yeux pétillants). C’est rigolo. (visiblement très ému) ça m’évoque plein de souvenirs… Cette chanson, elle est vibrante. C’est beau.

J’ai rencontré Françoiz il y a deux mois, elle était assez triste que tu ne sois pas en tournée avec eux.

– Si j’avais pu me dédoubler, voire avoir deux-trois clones, je l’aurais fait. Mais malheureusement, on est qu’un seul homme. Au vu des événements, j’ai pas pu car je me suis concentré sur mon projet Zop Hop Op parce que ça fait 7/8 ans que je fais des projets parallèles qui ont très bien fonctionné car ils étaient très bien portés par les protagonistes concernés, c’est à dire Dominique A, Françoiz Breut, Yann Tiersen. Chacun a pris son essor et son ampleur très justement et très bien. Moi, croyant que ça allait fonctionner ainsi, j’ai continué à produire des disques de Zop Hop Op, à écrire les chansons dans des chambres d’hôtel, à les enregistrer à gauche à droite, en sortant des albums pour lesquels tu ne fais pas vraiment de promotion ni de tournée, sans trouver de groupe qui joue avec toi. Tout ceci a fait que j’ai commencé à ressentir un manque, celui de ne pas pouvoir me déployer dans mon projet. ça n’a rien d’égoïste… (long silence, puis recherche ses mots) ou d’égocentrique. J’avais besoin de me retrouver, de faire vivre mon projet, je le portais depuis trop longtemps pour lui consacrer si peu de temps. Je pensais, je m’imaginais pouvoir tout faire mais ce n’est malheureusement pas possible. J’ai dû donc faire ce choix-là et le dire à Françoiz – très malheureusement, pour moi aussi d’ailleurs, j’en suis très triste, encore maintenant. Si je pouvais faire les deux je le ferais car tout ceci me tient à coeur. J’adore Françoiz, c’est une personne humainement très tendre, sensible, sensée. J’ai du lui annoncer la chose, lui expliquer qu’il fallait que je défende mon disque cette fois-ci, avec ce que cela comprend, c’est à dire surtout lui consacrer du temps. J’ai donc du choisir d’arrêter de jouer avec elle. ça a été dur. En plus cet album est superbe. Et cette chanson…

Ben Harper & Blind boys of Alabama : « Satisfied mind »

– C’est Ben Harper? J’ai reconnu sa voix, tu vois? J’adore ce côté gospel en plus.

Toi aussi tu as utilisé du gospel sur ton album.

– Oui, ça fait tellement longtemps que je voulais le faire. En fait, je découvre les voix. J’apprends l’utilisation de ma voix, comment la nettoyer, comment l’utiliser, le plaisir que j’y trouve etc… le gospel, ça s’est fait naturellement. Ce sont des envies que je porte depuis longtemps. J’ai jamais eu le temps de le faire avant car c’est assez difficile de – j’aime pas ce mot – « exploiter » la chose. Je me permets d’être un peu vulgaire, je suis désolé. (rires) Je commence à découvrir la manière d’utiliser les voix. C’est nouveau, c’est vrai. La chanson m’est venue comme telle en fait, avec cet espèce de refrain qui semblait évident à harmoniser ainsi. Il y a toujours des choses en l’air comme ça qui planent, qu’elles soient en éveil ou non. Mais je remarque d’ailleurs un retour général au gospel depuis un ou deux ans. Ici, par contre, j’ai reconnu grâce à la voix de Ben Harper, mais je ne connais pas cet album-là. C’est très bon ! C’est le pouvoir des voix ça ! Pour moi, la voix c’est la surpuissance harmonique et physique. C’est quelque chose qu’on a à l’intérieur de nous. On a besoin de rien, on peut chanter n’importe où, à n’importe quel moment, même en dormant si on veut (rires).

Bobby Vinton : « Blue Velvet »

– (Chantonne). C’est quelle version celle-ci? (chantonne).

Bobby Vinton.

– Alors lui je crois que c’est un inconnu au bataillon (rires). Il a fait ce truc-là et ensuite il a disparu (rires). Il a laissé cette chanson, qui est un classique de chez classique. Elle est superbe. Je l’adore!

Tes disques évoquent souvent cette période je trouve.

– Tout à fait! J’ai des souvenirs très liés à un bar où j’allais souvent quand j’étais petit – mes parents travaillaient énormément et je suis issu d’une grande famille – et ma tante tenait un bar. Il y avait un jukebox! Entre autres, il y avait cette chanson. A chaque fois que mon grand frère la mettait, moi évidemment je ne résistais pas, je prenais tout ça.

Cette chanson a été magistralement utilisée par David Lynch.

– Oui! Tout cet univers! C’est pas que la chanson colle à l’univers de David Lynch, mais l’univers de ce dernier qui colle à cette ambiance. Cet état d’esprit des années 50-60, à la fois asservissant et lugubre, mais aussi énorme et ridicule. Tu vois ce que je veux dire? C’est génial!

Le cinéma joue-t-il un rôle dans ce que tu fais?

– Dans le sens de l’image oui. Mais par contre, je suis très peu cinéphile. J’adore le cinéma mais je ne suis pas de très près en fait. Je ne m’y connais pas vraiment non plus. Je vais très rarement au cinéma, je loue plutôt des films. Depuis que j’ai des enfants, quand je vais au cinéma c’est pour aller voir des dessins animés (rires). J’adore ceci dit, mais c’est un autre univers. Les choeurs de cette chanson sont magnifiques.

I am Kloot : « Twist »

– Je ne vois pas du tout…

I am kloot

– Ah? Je connais de nom mais je ne pensais pas que ça ressemblait à ça. Je vois leurs affiches de concert, j’ai lu des articles, mais je ne connais pas. Je croyais que c’était un groupe électro.

ça leur a joué des tours dans le passé en Flandre et Hollande vu leur nom…

– Ah oui. Je suis une couille! Ah ah (rires) C’est très beau en tout cas. ça fait penser à du Gene Vincent moderne, moins rockabilly bien sûr. Comme quoi c’est encore un mélange.

Calexico : « Stray »

– Calexico. C’est un grand classique maintenant. Ils vont puiser dans la musique traditionnelle du Mexique bien sûr, mais aussi de l’Amérique profonde.

Je l’ai surtout choisi pour les cuivres, que tu n’hésites pas aussi à utiliser.

– J’adore ce groupe. J’ai eu la chance de jouer un peu avec eux. Musicalement et humainement ils sont très chouettes. (Chantonne avec les trompettes). Les mariachis! C’est un bon mélange. J’adore.

Que penses-tu de cette sélection?

C’est étonnant en fait toute cette violence qu’on a en soi et la manière de la diffuser peut être si douce, comme si elle avait été digérée. C’est le pouvoir de la musique et le bonheur d’être musicien, cette capacité à ressortir toutes ces choses…Peut-être que le président des USA devrait être un peu plus musicien?

Comme Clinton?

– Oui, c’est ça. Finalement, si on met de côté tout le tintouin autour de l’affaire Jessica, c’était un bon président. C’était plus drôle que maintenant.

Boris Cyrulnik en parle beaucoup de ce pouvoir léthargique. La résilience.

– Oui, j’aime beaucoup la psychologie et la psychiatrie, sans y connaître rien (rires).

Zop Hop Op : « Jesus bells »

– (Chante en même temps. Rires). J’adore cette intro. C’est un film d’animation de Tim Burton, L’Etrange noël de Mr Jack. La partie du film dont je l’ai extrait est extraordinaire. C’est le moment où ils décident de chanter Noël avec des cloches. C’est grinçant et très drôle. Voir comment la naïveté peut mener à la monstruosité parfois des sentiments… Le hasard voulait que mes enfants regardent ce film pendant que j’étais en studio. Je trouvais que c’était bien à propos avec cette chanson puisque c’est pour Noël. Elle existe depuis longtemps cette chanson puisque j’en ai fait l’ébauche il y a dix ans. Elle s’appelait « Le prénom de la mère de Jésus ». Je ne l’ai jamais utilisée avant car j’étais sûr qu’il y avait moyen de la travailler de façon moderne. Mais finalement, j’en suis revenu à cette écriture très rock (rires en entendant les riffs). Combiner l’aspect « adulte » de la musique et arriver à toucher le coeur des enfants, c’est ce que j’aime le plus. C’est pour cette raison que j’adore Tim Burton. Chacun de ses films est un rêve d’enfant. Il y a un vrai travail, une vraie recherche.

La reprise dans ton disque, est-ce une chute de studio de quand tu as enregistré (Interlude), disque de reprises.

– Non. En fait, j’enregistre très souvent des chansons comme ça. Au départ, le projet de cet album-ci était un double album. Mais l’un ne collait pas vraiment avec l’autre, du coup on a décidé de le sortir en deux fois. L’idée était de sortir deux disques bien distinctifs mais qui sortent au même moment. Un en anglais, et l’autre en français. Celui en français sortira plus tard pour des raisons techniques. J’ai emmagasiné des chansons en français avec le temps. j’ai donc recompilé tout ça, c’était assez compliqué de sortir les deux disques en même temps. On m’a dit que j’allais griller toutes mes cartouches – je n’aime pas beaucoup ces termes mais bon. J’ai écouté ce conseil, et il sortira en deux fois. Je comprends en effet que ce n’est pas évident de défendre deux singles, l’un en français et l’autre en anglais à la fois. Encore plus à mon niveau.

Pourquoi Zop Hopop s’écrit-il désormais Zop Hop Op?

– Pour une raison technique. On m’annonçait souvent erronément comme Zop Hop Hop. Pour moi, ça change tout. Je n’aimais pas du tout. J’ai essayé de parler aux gens, mais finalement je me suis fait une raison et je change le nom. J’ai séparé. ça coïncide avec mon évolution intérieure et musicale , ça tombe bien du coup.

T’as demandé un coup de main pour les textes en français?

– Non, j’ai tout écrit. ça n’a rien à voir avec du Dominique A, ou du Yann Tiersen (qui d’ailleurs écrit très peu de textes). C’est comico-tragique je dirais. C’est joyeux, reluisant, ludique. La chanson française pour moi est plus ludique que la chanson en anglais, qui m’évoque des choses plus sérieuses, plus tristes.

C’est marrant, car ce côté ludique se retrouvait dans ta chanson en néerlandais.

Oui, tout à fait! Le disque français est un peu lié à cet état d’esprit, cette ambiance. Il n’y a pas vraiment de format, il s’agit plutôt de jets comme ça. Ce sont des chansons très courtes, d’une minute, 1’20, 1’50. Il sortira fin de l’année prochaine en fait. Le temps de défendre celui-ci.

Et les collaborations?

– La dernière c’était pour l’album de Dominique A. Je suis aussi encore batteur pour un groupe flamand d’Anvers, Junior Jazz. Ils ne sont pas connus en Wallonie car ils ne sont pas défendus ici par une structure. ça fonctionne assez bien en Flandre. Le premier disque c’était des standards de jazz réadaptés, avec une voix féminine. Le deuxième disque comporte des compositions originales de plusieurs artistes flamands dont Daan ou Sioen. C’est fou quand même la Belgique! On dit que c’est une force, mais chaque force est une faiblesse, et dans ce cas-ci je le vois comme une faiblesse. La frontière linguistique est un peu folle. Pour parler platement chiffres de vente : Junior Jazz a vendu 7000 copies du premier album en Flandre, alors qu’ici on en a même pas entendu parler. C’est fou! Ils ont vendu avec ce premier album plus de disques que moi… C’est incroyable. Un projet peut vivre dans la moitié du pays mais pas dans l’autre et vice versa. Incroyable!

Tu n’es pas défendu en Flandre?

– Je l’ai été mais je ne le suis plus parce que j’ai été trop lent je crois. J’étais beaucoup absent aussi, ce qui n’aide pas. Dans un si petit pays, il est difficile de défendre quelqu’un qui n’est même pas sur le terrain.

Et en France?

– J’ai eu des opportunités mais ne les ai jamais concrétisées, pour les mêmes raisons…Pas assez disponible, pas assez concret. Zop Hop Op est un projet que je porte seul. J’ai beaucoup de collaborateurs et j’essaie de lier des liens maintenant plus serrés, de former une équipe plus constante. Par le passé, je me suis toujours entouré de musiciens extérieurs. Du coup, au niveau technique, c’était très difficile de gérer tout ça. Surtout que je ne suis vraiment pas gestionnaire dans l’âme – tant mieux pour moi d’ailleurs (rires) – et ne veux pas l’être. J’essaie de m’entourer. Ici, je vais essayer d’être présent et disponible, ce que je n’ai jamais été. C’est un nouveau départ pour moi. Le temps passe et j’en suis encore à démarrer. (songeur) C’est marrant.

Mangrovia va-t-il sortir en France?

– Oui, en janvier-février je crois. Je ne sais pas encore chez qui. Il y a plusieurs possibilités. je ne vais en tout cas pas attendre qu’on vienne me le proposer. C’est à moi de le faire, car je suis la locomotive, le moteur de ce projet. J’ai longtemps cru que c’était possible… Mais comment faire quelque chose pour quelqu’un si on ne sait pas ce que ce quelqu’un veut exactement? Je ne me suis jamais vraiment rendu compte de ça avant mais c’est assez logique en fait. Je le comprends mieux, et essaie de me structurer intérieurement. C’est une transition. J’aimerai avoir la tâche plus légère au niveau infrastructure, fonctionnement, j’ai donc besoin de me faire aider. J’ai trouvé ceux qui vont m’aider. Il faut maintenant que ça se solidifie pour pouvoir avancer. Mais c’est à moi de tirer tout le monde. Je dois être chef d’entreprise sans l’être, juste pour le bon fonctionnement de la chose, et non pour ma petite réussite personnelle. C’est pas facile mais c’est possible. Oui, j’en ai enfin conscience.

Quels sont tes disques de chevet aujourd’hui?

– Tu vas rire! Le dernier Janet Jackson, je le trouve superbe. Je suis un grand fan de la famille Jackson. J’ai découvert Michael Jackson par mon père. Par une amie d’enfance aussi, que je voyais beaucoup à l’époque et qui allait à l’école avec moi, qui s’appelait Olga. Je pense souvent à elle, je l’adore, c’est elle qui m’a donné cet amour de la musique black. ça peut paraître incongru, mais j’adore Seal aussi. J’aime bien la manière dont ça groove avec lui, c’est mélodique. J’aime bien la simplicité. J’ai trop tendance je trouve à creuser, à tout analyser, à me prendre la tête, alors que j’aime bien la musique légère.
J’ai découvert il y a pas longtemps Gilbert Bécaud, que je ne connaissais pas du tout, et dont les compositions sont assez riches. Dans la chanson française, je suis un traditionnel qui aime Jacques Brel, et L’homme de la Mancha : c’est énorme, incroyable, d’une beauté, d’une noirceur et d’une lumière à la fois… C’est comique et tragique. Sinon, récemment, le dernier album de Kate Bush, qui est excellent. Je suis aussi un très grand fan, et depuis longtemps, de Stevie Wonder. Le dernier disque est excellent, plus fidèle à ce qu’il faisait dans les années 70. Il faut dire que depuis les années 80, ses chansons étaient pas mal mais trop noyées dans une production lamentable. Enfin, c’est une question de goût… Entre The secret life of plants et Innovision, il a fait des albums très costauds. C’est l’influence black actuelle de R & B et tout ce qui s’ensuit, même en France. J’adore ce mec-là aussi car son handicap l’a amené à se dépasser complètement. Je l’ai découvert dans les années 80 – je suis né en 1970 – : c’est d’une richesse harmonique énorme, d’une instrumentation inouïe.
Dans un autre genre, j’adore le Stabat Mater de Pergolesi. Dans sa simplicité il est très pur, très simple. Ce qui est intéressant, c’est qu’il a été comme un éclair dans l’histoire de la musique classique. Je n’ai pas beaucoup de bagage en musique classique, donc faut pas trop me demander les termes qu’on doit utiliser pour en parler : je ne sais pas en parler avec les bons mots. Je découvre énormément de belles choses en ce domaine en tout cas. La musique instrumentale, les chants moyenâgeux : c’est d’une « celestistude » – ça se dit? (rires)! C’est ce que j’écoute avant de m’endormir. Les variations Goldberg de JS Bach aussi, par Gould au piano. Hyper beau! Je passe d’un truc à un autre, mais… Je suis fan de Tom Waits aussi, des Virgin Prunes, un groupe que j’ai adoré adolescent, il m’a fait me poser plein de questions sur l’humain, sur la folie. Tout ça m’a influencé.