Quel est le point commun entre Deltahead et José Gonzalez ? La Suède. La comparaison s’arrête là, car Deltahead pratique un blues cradingue à mille lieues du folk chaud de sieur Gonzalez.


Deltahead fait partie de ce genre de groupe où à première vue, il n’y a pas grand-chose à dire. Même le petit papier explicatif rédigé par le service presse de V2 parle de tout sauf du disque. Je ne pourrais donc même pas vous parler de l’enfance malheureuse de ce duo suédois, durant laquelle quelque chose semble les avoir dégoûtés de la Finlande.

La pochette du disque et son graphisme simple représentant les têtes de nos deux joyeux hurluberlus rappelle celle de Death From Above 1979, les trompes d’éléphant en moins. La comparaison n’est pas si absurde vu que l’on retrouve chez ces deux dynamiques duos la même énergie folle qui les pousse à mettre en oeuvre une musique fun qui vous incitera à taper du pied.

Si Death From Above 1979 joue une musique ultraspeedée, à la limite du métal, Deltahead digère un blues guttural pour mieux le vomir accompagné d’une sauce garage de son cru. Le tout est livré sur une rythmique primaire jouée par deux grosses caisses qui lui donnent un côté fanfare du village irrésistible. C’est basique au possible, mais c’est tellement ludique que l’on se prend facilement au jeu.

Le plus désopilant chez Deltahead reste leurs textes accessibles à tous. Vous pourrez facilement utiliser leur disque pour improviser des karaokés lors de soirées arrosées, leurs paroles pouvant être déclamées dans tous les états possibles, et de préférence, ceux que la morale réprouve.

Sur « My mama was too lazy to pray », il vous suffira de réciter une petite quinzaine de fois le titre de la chanson. Avec « I smile at you » et son son de thérémine cher à Jon Spencer, l’exercice se complexifie, car il faudra vous égosiller en répétant une cinquantaine de fois le couplet/refrain « I Smile at you/While I take your money and fuck you in the ». Après un plus calme « Why don’t we all get down » et son riff tranchant à la White Stripes où vous n’aurez qu’à murmurer une petite dizaine de « Why don’t we all get down on our knees to pray? » plus gutturaux les uns des autres, il s’agira d’avoir les idées plus claires, car sur « Don’t move to Finland » et sa guitare slide acérée, Deltahead se montre soudainement plus inspiré et nous propose son texte le plus touffu. Jugez plutôt: « Listen, oh child, listen to what I say. Don’t move to Finland. Don’t move to Finland ». La difficulté réside dans certains couplets où le « oh child » est substitué par « oh mama » ou « oh papa ». Après un tel défi, un interlude qui sonne très Tom Waits, période Bone Machine, vous permettra de reprendre votre souffle. C’est tant mieux, car avec « Love Me Follow Me! », le duo signe son morceau le plus trash et le plus politique. Il vous faudra reprendre pas moins de 55 « Love Me, Follow me!/It’s a movement! ». Après, vous aurez tout le loisir de reprendre vos esprits, car à l’exception de « This piece of machinery » et sa petite dizaine de « This piece of machinery is out of order » sur fond d’harmonica aiguisé, le groupe semble avoir épuisé tout son vocabulaire. Le texte de « Help Me », et ses accords dissonants que n’aurait pas reniés Sonic Youth, repose sur divers borborygmes caverneux dans lesquels viennent se perdre quelques « Help Me » d’outre-tombe. « Oh No! » suit le même modèle. Entre-temps, le bien nommé « Crickets and Frogs » vous aura permis d’écouter une mélodie country jouée sur fond de criquets et de grenouilles.

Maintenant, contrairement à ce que pourrait laisser entendre une telle description, le disque n’est jamais lassant. Si sa courte durée (29 minutes) joue certainement en sa faveur, Deltahead a toujours le bon goût de s’arrêter avant la répétition de trop et fait presque preuve d’une rigueur mathématique. Nombreux sont les musiciens de la scène électronique qui devraient peut-être s’en inspirer.

– Le site de Deltahead
– Le clip de « My Mama Was Too Lazy To Pray »