Etablissant un pont entre le rock de l’école Pavement et les classiques stoogiens, ce quatuor new-yorkais joue la carte de l’efficacité. Et ça roule.


New York. Ses buildings skyline, ses taxis jaunes, ses Starbucks à chaque coin d’avenue… et ses groupes de rock. Comment se fait-il que cette ville qui semble courir éperdument contre le temps détienne une telle concentration de formations rétro vouées à la rage du binaire ? Serait-ce la surconsommation de café qui pousse à une telle nervosité régressive ?

Loin de se vanter de détenir le st Graal du rock, les Holy Ghost n’en sont pas ses plus indignes représentants. Dans le circuit depuis 2002, ce quatuor a déjà trois albums derrière lui et quelques tournées en compagnie de noms qui comptent : The Walkmen, Pedro The Lion, Brian Jonestown Massacre… Sorti en 2005, Welcome to Ignore Us est le plus ambitieux des trois opus, produit par A.J Mogis, l’un des pontes du label Saddle Creek, crédité sur la plupart des disques. Notre quatuor ricain a voulu cette fois peaufiner ses compositions, quitte à passer de longues semaines en studio. Mr. Mogis a refilé une petite dose de contemporain à leur formule un peu trop estampillée garage jusqu’ici, ceci étant dû à l’urgence dans laquelle fut enregistrés leurs opus précédents. Pas de bip bip qui tache, mais plutôt des manches de six cordes au son plus trempé.

Malgré son nom à faire fuir un revenant, la team de The Holy Ghost conduit un solide bolide rock portant haut les couleurs de l’énergie fun. Nos pilotes aiment les carlingues de guitares faussement débraillées, initiées par le mécano S. Malkmus (“40 Winks”), tout en gardant un oeil plus loin dans le rétroviseur, du côté de Detroit city : les diaboliques Stooges assurément, mais aussi le démon de la « Motown » pour ce groove sec et quelques incursions cuivres.

Placé en pole position, l’explosif « Commercial » joue le chrono en 3 minutes 22 sec : des guitares ingénieuses qui refusent de se tenir à carreau et une voix faussement nonchalante épousant parfaitement les trajectoires sinueuses. Le rock de The Holy Ghost n’hésite pas à prendre les virages en faisant gronder le moteur, jouant des accélérations et rétrogradations de vitesse avec une certaine aisance (“Did I Wear U Out?”). L’aiguille du tableau de bord atteint le rouge sur “Shut up and Play”, un brûlot au faux air d’hymne à la décadence rock. L’iguane n’est pas loin. “Chez Paree” est un autre petit bijou d’efficacité, un blues-rock menaçant, émergeant lentement du bayou tel The Swamp Thing, la créature du marais.

Ce combo ne se contente pas d’aligner les riffs sur un rythme haletant. Ils donnent aussi du fil à retordre au bon vieux format 4/4 du rock en allant fréquemment voir ailleurs, tout en conservant un sens des harmonies très claires. “Genghis Khan” et “Jiggle” partagent cette sensibilité soul, usant avec conviction de cuivres et d’un groove aiguisé (le groupe compte en ses rangs une batteuse !). Lorsque vient le moment de passer au stand des ravitaillements, “Shoe” opère un virage moins serré, avec une mélodie sensible et habile. Ces gars-là savent décidément tout faire. Il y a peu de chose à jeter sur ce manifeste rock incendiaire.

-Le site de Fargo