Certains ratages contrarient plus que d’autres. Il en va ainsi de ce neuvième disque d’Erik Truffaz, au titre directement emprunté à une ville russe donnant sur la mer Blanche, projet insipide et énième changement de cap stylistique amorcé avec son indécrottable quartet (Macello Giuliani/contrebasse, Marc Erbetta/batterie et Patrick Muller/piano) sur le label Blue Note. Brumes dormantes dans la bise hivernale, silence contemplatif, froid polaire, chaleur qui couve sous la glace… dès le morceau d’ouverture, “Red Cloud”, l’ambiance est posée, le décor planté, la couleur annoncée : Arkhangelsk sera un album qui vient du froid, mais pas pour nous glacer le sang à coup de dérapages non contrôlés, plutôt avec le souci de nous réchauffer le coeur en distillant ses mélodies lisses et endormies. Un album de chansons mâtiné de jazz, et non l’inverse, tapissé de voix (Ed Harcourt, le fidèle Nya et Christophe, soit un assortiment vocal dont on peine à saisir la cohérence) et arrimé à une pop atmosphérique aussi passionnante qu’un dimanche de déprime sous la neige. Juché sur son talent et sa réputation, Truffaz effectue son numéro de jongleur, en ayant pris soin de bien s’harnacher à ses solides acquis. Voilà quelques disques, maintenant, que la peur du vide n’est plus son affaire. Faisant mine de se frayer une nouvelle voie, il déroule des compositions frileuses et prévisibles qui semblent plus destinées à rafler la mise en ratissant large qu’à déclencher le grand frisson de l’inconnu. En guise de voyage audacieux, le trompettiste échoue à la fois sur le terrain du jazz et de la pop : quand le premier fond à vue d’oeil, la seconde pousse sans vigueur. Vivement l’été.

– Le site de Erik Truffaz.