La réponse française à Interpol et The National. Cinglant.


De Caen à Man(d)chester, il n’y a finalement qu’une mer que le quatuor qui se fait appeler Kim Novak s’empresse de franchir à la nage. Luck & Accident, premier album de ce tout jeune groupe (né en 2005) impressionne d’emblée par sa morgue. L’envie d’en découdre de Kim Novak n’a d’égale que sa croyance en sa musique. Et il aurait tort de s’en priver.

Levons le voile sur un suspense inutile malgré le patronyme du groupe, Luck & Accident est un album superbe. Si les influences sont limpides, de Joy Division au Velvet Underground en passant par Radiohead, Kim Novak n’est pas un groupe bien peigné et premier de la classe. Nous avons plutôt affaire à des forts en gueule, les éternels agitateurs de fond de classes qui préféraient lire Sartre quand Stendhal leur était imposé, et qui passaient leur temps à s’échanger les premiers Cure en lieu et place de U2 ou Simple Minds.

De brulôts amples en ballades liquides, la musique de Kim Novak se dévoile au fil de l’album, entière, complexe, mélancolique et tendue. Oscillant entre cold-wave pour la noirceur et post-punk pour l’énergie, Luck & Accident ne désarme pas. Si la production demeure résolument actuelle, les compositions traversent allègrement les 40 dernières années en butinant les nectars les plus poisseux du rock ténébreux et littéraire de nos amis anglais (et un peu américains). Pour faire court, si les accointances avec Interpol sont assez évidentes, c’est à The National que l’on pense très fortement dans la façon d’enrouler des guitares tour à tour abrasives ou mutines sur une voix toujours sur la brèche, écorchée, et de laquelle exsude une souffrance intime. Une voix d’ailleurs très proche de celle de Matt Berninger. De l’érotisme velvetien de « In The Mirror » ou « Crash » à l’énergie blanche de « Swallow » voire la vigueur sardonique très 80’s de « Female Friends » – que l’on jurerait signée par I Love You But I’ve Chosen Darkness -, Luck & Accident est un disque plantureux et cultivé, dont on peine à trouver la moindre faille. Une faille que l’on pardonnerait pourtant facilement pour un premier effort d’un tel niveau.

L’équilibre entre les titres enlevés et calmes, l’alternance brulôts/ballades, la production altière et cristalline et surtout l’écriture à la maturité surprenante font de Luck & Accident un disque majestueux. Et dans un même élan, Kim Novak se positionne d’ores et déjà comme un groupe important sur lequel il faudra compter dans un genre que nous pensions jusque là inaccessible en France. Absolument remarquable.

– Leur myspace

– Le site de l’excellent label Talitres