Le retour revigoré d’un ex Kim Novak, ou quand les guitares post-punk se déraidissent au profit d’une mélancolie  tendance slacker.



L’implosion de Kim Novak en 2013 nous avait pris par surprise. L’avenir s’annonçait pourtant sous de très bons auspices pour ce quatuor, figure de la scène rock caennaise : une signature récente sur le label Kütu Folk Records, un second album salué par la critique, et des concerts qui transpiraient de passion. La formation emmenée par Jérémie Nies laisse un EP et deux albums d’une classe cinq étoiles, Luck & Accident (Talitres, 2007) et surtout The Golden Mean (Kütu Folk Records, 2011), où les Normands n’hésitaient plus à prendre la lumière du soleil californien, sans renier l’urgence post-punk qui les caractérisaient.

Quatre ans plus, l’ex chanteur et guitariste en chef de Kim Novak, Jérémie Nies, rebondit avec Talma Suns, trio formé avec deux sémillantes recrues, Hugo Lamy (Inaniel Swims, Glass) et Boris Collet (Veik, GoldWave). Leur premier album, Wide-Eyed, a été taillé sur mesure chez les valeureux artisans du label Kutu Records.  Neuf compositions où l’on retrouve logiquement des accointances avec Kim Novak, avec en premier lieu les guitares et le grain de voix familier de Jérémie Nies. Mais ô surprise, il s’y trame aussi une sensibilité tout à fait inédite, plus complexe, avec des fausses ballades étriquées dans l’esprit slacker 90’s du Pavement de Wowee Zowee. Un étrange spleen pop qui ouvre ainsi la marche du disque, conduit par des tempos lents et des compositions qui peuvent jusqu’à tirer au-delà du format syndicale de trois minutes. Cette volonté de ne pas jouer d’emblée la carte “rock”, aspirant a davantage de subtilité, est tout à fait salutaire.

L’économie de moyens laisse à contrario davantage d’espace pour les confidences

En trio forcément, une certaine proximité se noue avec l’auditeur, l’économie de moyens laisse à contrario davantage d’espace pour les confidences. C’est le cas sur le sombre et vibrant “For You”,  qui s’étirent sur huit minutes, une chanson sur les dérives personnelles au sein du couple, l’impossibilité de communiquer et de changer les choses, irrémédiablement. En misant ainsi sur la durée, l’album dévoile progressivement ses aspérités, plus variées qu’elles n’y paraissent.  Comme sur “Burning Heart”, irrésistible avec ses accents pop sixties lumineux, qui ne parviennent pas totalement à évacuer le doux vague à l’âme de la voix Jérémie Nies, d’humeur lacrymale…  Plus loin, “Better Days”, renoue avec la raideur post-punk des débuts, tandis que « The Only Way »,  qui démarre en trombe et glisse lentement vers une brume acidulée, possède quelques lignes de guitare mémorables et tordues comme on en avait pas entendu depuis le disque de Preoccupations (le grain de voix de Jeremies Nies est d’ailleurs assez proche) l’année dernière. Seule baisse de régime, « The Line », qui traîne un peu à la septième plage, alors que l’album monte en puissance jusqu’à la dernière piste.

Neuf titres cela pourrait paraître un peu court, mais nous n’avons pourtant pas fini d’en faire le tour. Et puis quelle joie de retrouver une des voix les plus attachante du rock hexagonal. “We are back for another round”, chante sur “Time”, d’un ton digne d’un vieux boxeur fatigué. La performance pourtant fait l’effet d’un bel uppercut.

On est prêt à miser cette fois qu’il n’y aura pas à attendre quatre ans avant d’avoir des nouvelles de ce trio à l’énergie décomplexée contagieuse.

 

 

Kütu Records – 2017

 

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Tracklisting :

 

1 – Marianne (4:01)
2 – Time (2:03)
3 – For You (8:07)
4 – Burning Heart (3:45)
5 – Trouble (2:01)
6 – Better Days (3:17)
7 – The Line (2:44)
8 – The Only Way (3:14)
9 – Tonight (4:32)