Peut-être étiez-vous passés à côté de Dawn’s Music ou encore la compilation Even Cowgirls Get the Blues ? Qu’importe avec « Fireproof », son deuxième album, Dawn Landes vous offre une belle séance de rattrapage, l’occasion de mesurer qu’elle est désormais incontournable.


La première fois que Dawn Landes fit parler d’elle en France, c’était à l’occasion du festival « Les Femmes s’en mêlent » en 2004. Aussitôt sortait (pas encore chez Fargo) son premier disque Dawn’s Music qui ressemblait beaucoup à une profession de foi. L’Américaine y faisait étalage d’une écriture personnelle où les relents de country pastorale côtoyaient des velléités rock avec une jolie science des mélodies et des textures sonores (clochettes, flûtes ethniques…). On tenait là une nouvelle première de la classe, au regard frondeur, capable de vous ficher le grand frisson avec une caisse en bois et six cordes. Mais attention, pas une petite folkeuse aux bottes crottées et à l’univers gothique, non, une dame de la trempe de Suzanne Vega en son temps, de Cat Power ou de Laura Veirs aujourd’hui, bref un style hybride, fait de force et fragilité, un no man’s Landes !

Dans ce contexte, c’est peu dire que « Fireproof », le deuxième album de cette native du Kentucky, passée par la case Big Apple, était attendu au tournant. Enregistré avec une poignée d’amis aussi discrets qu’efficaces (The Earlies et Hem) et le producteur Adam Lasus (Clap Your Hands Say Yeah, Clem Snide…), ce disque confirme la grande maîtrise d’une écriture non académique. De son passage au sein de la communauté Fast Folk de Greenwich Village, Dawn Landes a conservé le goût des ritournelles boisées et intemporelles, mais pour mieux les détourner. Belle démonstration qu’elle nous fait sur les deux tiers de ce disque avec des ballades rêveuses comme « Tired of This Life » ou « Twilight » noyées de pedal steel. Ou sur des titres plus countrysant comme « Dig Me A Hole » et « You Alone » sur lesquels on jurerait entendre June Carter. Et tant qu’à verser dans le traditionnel pourquoi ne pas reprendre un classique aux allures de square dance bien scandé (« I Don’t Need No Man ») ou encore prêter allégeance à Tom Petty dans une version dépouillée et cachée de « I Won’t Back Down » ?

Pour le reste, Dawn Landes sait aussi faire monter la sauce avec des titres rock indie délicats qui lorgnent sous les jupons des premiers Suzanne Vega. Exemple particulièrement frappant sur « Bodyguard », avec sa rythmique basse/batterie dénudée ou sur « Private Little Hell » et son bon vieux riff de guitare entêtant. Un peu ensorceleuse, l’Américaine sait aussi apporter sa touche personnelle à coups de grigris sonores déjà entendus sur « Dawn’s Music » et de ruptures stylistiques (la mélodie bringuebalante de « Picture Show », l’instrumentation bizarre de « Toy Piano ») qui rappellent que parallèlement à l’écriture, la chanteuse est aussi ingénieur du son (ayant travaillé avec des pointures comme Philippe Glass, Joseph Arthur ou encore Ryan Adams).

Tout ce langage, mélange de complaintes enamourées, de passages lunaires, de tempi hardis, de digressions lo-fi crée une étrange impression de bric et de broc. C’est là le charme de ce disque : contourner les évidences, désarçonner en douceur, cultiver les paradoxes autant que les ambiances poétiques, et toujours avec une tranquille assurance. Et tant pis si, parfois, cette musique semble suspendue à un fil, aussi chétive que le Moon Pix de Cat Power, son ossature demeure parfaitement solide.

Même dans la sous-enchère, Dawn Landes parvient à tenir en haleine son auditoire. Tout au long de ce disque qui sent bon le feu de bois autant que l’asphalte, on se laisse porter par la force du propos et la sensualité des climats. C’est peu dire que la jeune femme possède une vision. Et tant qu’elle aura un instinct aussi sûr, on sera prêt à la suivre les yeux fermés même si elle part enregistrer un gospel chez les Inuits !

– Son site officiel.