Avertissement. Vous êtes fâché avec le dernier Interpol ? Editors vous sort pas les oreilles ? N’attendez plus, le premier album de Dragons va vous réconcilier avec l’essence Post Punk et Cold Wave 80’s. Bien plus qu’un feu de paille, Dragons crache des flammes.


Il faut du cran pour sortir un disque pareil à l’heure où Interpol et Editors sont de nouveau sur la place. Car il y a de fortes chances que Dragons soit taxé d’opportuniste surfant allègrement sur la vague néo post-punk. Sauf qu’Anthony Tombling Jnr (guitare/chant) et David Francolini (batteur/producteur), le duo derrière la bête, ne sont pas d’illustres inconnus. A la fin du siècle dernier, les deux acolytes sévissaient chacun respectivement au sein du magma électro/rock Transambient Communication et du trio Dark Star, revivalistes shoegazin’post punk avant l’heure. Et si l’on remonte encore plus loin la piste des archivistes, le marteleur David Francolini a fait ses armes au sein de Levitation, formation oubliée du guitariste Terry Bickers (House of Love). Sans conteste, malgré le sort qui s’acharne, les Dragons maîtrisent sur le bout des doigts leur partie.

Parmi ces deux noms, Dark Star aurait pu rafler la mise. La hype a même pris pour le trio le temps de deux singles prometteurs et quelques concerts époustouflants. Hélas, l’album s’avéra complètement raté malgré l’intervention de Steve Lillywhite derrière les manettes. Oui, monsieur Steve Lillywhite en personne (The La’s, U2, Chameleons, XTC…) qui n’est pas vraiment le genre à s’embarquer avec le premier venu. Nous étions déjà là il y a dix ans, Dark Star jouait en première partie de Bob Mould. Le guitariste de l’époque, Christian Hayes, ne cessait de bidouiller son rack d’effets, mais ce qu’il en sortait des enceintes relevait du feu d’artifice sonique.

Dix ans plus tard, il semblerait que Francolini ait enfin trouvé l’équilibre parfait avec son nouvel acolyte Anthony Tombling Jnr, un multi-instrumentiste/chanteur pour le moins impressionnant. Leur premier album, Here are the Roses est un pur album de rock 80’s sombre et séminal. La créature nous ressert sur un plateau d’argent le fin du fin de cette décade en empilant la puissance baroque de Killing Joke (“Epiphany”), les mélodies synthés dévastés du Violator de Depeche Mode (“Treasure”), la grandiloquence électrique de The Cult période Love (“Trust”), et enfin, last but not least, ces petits « plaisirs inconnus » factoryens, sombres et exquis, qui ont tant fait la renommée de Ian Curtis (“Condition” en brillant décalque de “Transmission”). Certes, Dragons n’invente rien, leur affaire consiste à transfigurer les codes couleurs du genre : du noir, du vert et du rouge sang. Mais à ce stade du pointillisme, la copie de maître devient une oeuvre à part entière.

Dès le décapant “Here are the Roses”, les guitares irisées d’Anthony Tombling Jnr cherchent la bête : il faut écouter sa machiavélique percée sur “Obedience” pour constater à quel point il déborde de trouvailles soniques. Mais surtout, sa voix est d’une assurance exceptionnelle, s’imposant aussi grave et dominante qu’un Dave Gahan (vraiment troublant de mimétisme) ou grimpant dans les aigus avec une aisance à couper le souffle. La rythmique soutenue par les baguettes de Francolini est pesante, mais la tension, elle, ne faiblit pas – ou peut-être le temps de deux ballades en guise d’accalmie “Are You Lonely Tonight” et “Where is the love?”. A ce stade on sait déjà que l’on tient une surprise du calibre d’I Love You But I’ve Chosen Darkness. Interpol a sérieusement du mouron à se faire, la concurrence s’agrandit.

Seule faute de goût finalement, leur nom sorti tout droit du chapeau de Merlin l’enchanteur. Celui de l' »étoile sombre » leur allait comme un gant finalement.

– Dragons à écouter sur Myspace