Plus de 10 ans de carrière n’ont pas entravé la passion et la détermination des aiguilleurs post-rock d’Acetate Zero. Un quatrième album à la beauté cloisonnée, mais non dénué de fulgurance.


Toutes frontières confondues, rares sont les formations qui parviennent à perdurer tout en mariant dans un même écrin une éthique intacte. Ce quatrième album des discrets post-rockers parisiens coïncide avec 10 ans d’une carrière alternative, menée à l’ombre du brouhaha médiatique. Et c’est probablement ce qui les a sauvés quand tant d’autres se sont perdus. On les admire pour leurs disques conçus selon les règles de l’art – comme autrefois chez les intégristes de Sarah Records et encore plus loin Takoma… -, celles perpétuées aujourd’hui outre-Atlantique par quelques esthètes d’avant-folk (notamment Holy Mountain…). Une production seulement dictée par son propre rythme, une distribution « familiale » sous la précieuse tutelle d’Arbouse Recordings, quelques vinyles pressés au compte-goutte (doux euphémisme), et des concerts qui se transforment en évènements tant les apparitions du groupe se font rares…

Acetate Zero n’a que faire des traditionnels bilans de santé « anniversaires ». Civilize The Satanists, leur quatrième opus, prend le pouls d’une formation qui continue d’avancer instinctivement, avec une grâce confondante. Même si leur fidèle instinct semble plus que d’habitude (inconsciemment ?) les avoir amené à scénariser ce quatrième long-format où se distinguent un début, un milieu et une fin. A la seule exception du premier morceau, « Definition of Fall » (une composition des débuts) et d’un finale en apothéose, “One to Count Cadence”, ces douze titres constituent certainement les plus homogènes assemblés sur disque. Il faudra d’ailleurs y revenir à plusieurs reprises avant de s’imprégner pleinement du récit et saisir ce qui s’y trame. Lorsque Crestfallen (2005) collectionnait différentes idées gravitationnelles, Civilize The Satanists creuse l’harmonie tellurique : les compositions s’imbriquent, se relient entre elles dans un climat de pénombre, perturbé par des grincements de manche électrique. En milieu de parcours, la gravitation devient même extrêmement forte (“Endless Equation”), une pesanteur guère loin des premiers albums de Hood, référence fidèle du groupe avec Bedhead. La force exercée par la terre écrase alors les instruments de tout son poids, c’est l’effet « Ground Zero ». Les guitares rampent à même le sol, encerclées par un néant oppressant (“We create something we want to destroy”).

Les modèles fétiches du groupe ne sont pas révisés. Si l’esthétique se veut toujours aux croisements du post-rock, avant-folk, shoegazing et slowcore, c’est plutôt le comportement mental qui apparaît nettement plus refermé sur lui-même. Certaines pièces brèves (1 minute 30) traduisent un profond état neurasthénique (“Wooden Ride”), mais dont le sextet tire une certaine grandeur, parfaitement dépeint sur “Endless Equation”, avec ses trompettes en reddition ou “Icepac Decline” et ces notes stridentes tirées à bout de manche, si caractéristiques du son « Acetate ». Vers cette graduation, Acetate Zero nous mène jusqu’à l’éclosion, vers la lumière (le purificateur “Freak wave”). Les accords poignants de “Desert Fields on Fire” et le chant sort de son mutisme avec “Vanity Mirror” jolies comme une pop song cassée de The Clean, avant l’explosion des drones. En dernière ligne, on contemple le superbe décollage final “One to Count Cadence” et ses combustions shoegazing qui s’élèvent à nouveau vers le ciel et retrouvent de leur majesté épique. Toujours le même spleen en somme, mais sous différentes variations. Non, vraiment, Acetate Zero ne peut pas se perdre, ou s’il se perd, c’est pour mieux se retrouver. Diabolique.

– La page Myspace

– Le site d’Arbouse Recordings (VPC)