Entre France et Espagne, Downliners Sekt élabore un post-rock strictement instrumental sans attache, une musique écrasante et magnifique. The Saltire Wave, qui fait suite à l’acclamé Statement Of Purpose, ambitionne de réduire à néant la plus insoupçonnable velléité d’optimisme tant sa couleur est noire. Mais un noir insondable, déclinant une variété infinie de luminosités, objet d’une étude de l’absence de couleur. Ainsi Downliners Sekt crée la musique de l’absence, absence de mélodie, d’âme, de conscience, de but ou même de raison. Les guitares viennent progressivement tisser un fichu autour de la tête, avec un fil invisible et incassable. Et quand la dernière parcelle du crâne est enfin recouverte, la saturation assène son énorme coup de masse, accompagnée d’une basse hypnotique et titillée par des bruissements électroniques, ces banderilles sadiques. Abasourdi, on ne peut que céder et se laisser porter par les longues plages erratiques qui s’enchaînent, puis s’étirent pour enfin ouvrir des rideaux que nous n’avions pas aperçus jusque-là, dévoilant un univers où tout est en apesanteur, en charpie et pourtant dégageant un bien-être déroutant. Un peu comme si la résignation était la solution à la fois la plus sage et la plus agréable, on s’abandonne. La fusion post-rock/shoegaze, telle que pensée par Downliners Sekt, procure alors une expérience hors du commun et hors des sentiers battus, perdant ses références en cours de route et allant d’un pas sûr vers un pays en friche, un no man’s land qui ne demanderait surtout pas à être visité. Et le groupe va en faire son territoire, arborant ses guitares et ses boîtiers sur les blasons, démultipliant les tessons de bouteilles pour tuer définitivement la chance de s’installer pour le confort. Et l’auditeur, dont la conscience sera sublimée par le mur du son de The Saltire Wave, ne peut que se livrer intégralement à cet univers claustrophobe, finissant par oublier l’existence même d’une vie à côté, au-dessus, ou tout simplement avant.

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