Multiplier les projets demeure pour l’intarissable Fred Frith une source de plaisir palpable, même après plus de quarante ans d’aventures musicales tous azimuts. Quelques mois après la sortie d’une oeuvre ambitieuse qui ondoyait de la musique de chambre à des pièces plus expérimentales (Back To Life), To sail, To Sail dévoile le guitariste dans son plus simple appareil, en solo. Seize morceaux originaux dédiés à ses maîtres et modèles avérés (Barre Phillips, Robbie Basho, John Cage, Terry Riley, Camel Zekri, Paulo Angeli…) lui permettent de couvrir un large éventail d’influences stylistiques (blues, folk, gypsy, expérimental, africa, musique contemporaine, etc.) et de techniques instrumentales (steel guitare, picking, slap, sweeping, etc.), tel qu’ils les expérimente de longue date dans divers domaines. En quoi cet exercice en solitaire s’avère-t-il dès lors indispensable ? Tout d’abord, dans sa précieuse façon d’opérer une série de croisements, d’associations et connections sonores qui tiennent autant du hasard que de la nécessité. Jouées avec une guitare acoustique (Taylor 810), les compositions de To Sail, To Sail élaborent, les unes après les autres, avec un calme olympien et recueilli, un fabuleux itinéraire musical où le rapport concret à l’instrument débouche sur des perspectives purement fantasmatiques. Virtuosité et versatilité se combinent en de curieuses arabesques, d’étonnantes saillies tonales, de poignants chants de cordes (“Dog Watch” et son finale percussif hanté) et de troublantes pulsations organiques (les battements myocardiques de “Jeratch Orchestra”). Ensuite, au centre de la musique en train de se faire, et de s’inventer à travers une géographie de l’intime, le geste de jouer recoupe ici un voyage dans le temps conjugué à la première personne du singulier. Rendre hommage aux figures tutélaires se combine à un bouleversant autoportrait, une confidence dépourvue de la moindre autosatisfaction. Des premiers Guitar solos du début des années 1970 à cet admirable To Sail, To Sail, Fred Frith n’a cessé d’arpenter ses instruments en quête d’inattendu. Qu’il se rencontre aujourd’hui, sans fard et d’aussi belle manière, était bien la moindre des choses.

– Le site de Fred Frith
– Le site de [Orkhêstra
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