Du vrai folk-rock avec des ballons dedans. Le bouillonnant prodige américain plane bien au-dessus du gros des troupes de bébés antifolk. Et nous de ne pas retenir son envol.


Des poux plein la tête, les orteils crasseux et les ongles noirs, Sean Scolnick égrène ses chansons comme d’autres évalueraient la production laitière du jour, avec plaisir mais sans la moindre marge d’erreur. Ce jeune et prolifique américain (même pas 25 ans et six albums au compteur), né en Pennsylvanie et basé à Brooklyn, transpire l’antifolk à grandes eaux. Sa musique est tellement explosive que l’on ne sait par où aborder la question.

La voix. Oui, c’est la voix qui surprend d’abord, ce hululement nasillard qui nous rappelle un autre Américain qui fit sienne la révolution électrique du folk il y a plus de quarante ans. On doute que ce soit volontaire de la part de Langhorne Slim, mais le mimétisme avec Bob Zimmerman est stupéfiant, à tel point que certains titres semblent tout droit issus de Freewheelin’ mais sans harmonica – “Oh Honey” en est l’exemple le plus frappant.

Ceci dit, sans chanson, la voix serait inutile. Il faut le souligner, Langhorne Slim n’écrit pas, il semble expulser ses chansons pour les enregistrer dans la foulée tant l’énergie dont elles regorgent surgit de toutes parts. Si, avec un tel jaillissement, certaines flammes tombent un peu à côté du plan d’eau, l’ensemble du feu d’artifices illumine le ciel en grandes gerbes éblouissantes. Et le plus surprenant est que les moyens pour parvenir à un tel résultat sont particulièrement chiches. Certes, de temps en temps, certaines ballades tendent à calmer le jeu, avec une élégance toute rurale. N’empêche, c’est pour mieux cueillir la belle que le gars joue sur tous les tableaux.

À moins que ce ne soit cette fraîcheur toute roborative qui enchante, comme si Sean Scolnick hurlait à l’amour dans le désert. Ces textes sont tous de touchantes déclarations, parfois maladroites, parfois balourdes même, mais toujours d’une sincérité désarmante. Alors, quand il se fait aider de la fanfare du coin ou que quelques copains viennent le soutenir de leur chant alcoolisé, on ne peut que sourire, pris d’affection pour le gaillard.

Ne reste plus qu’un élément pour expliquer le phénomène, si les précédents ne se suffisent pas à eux-mêmes. En effet, le jeune songwriter manie sa six-cordes avec une aisance remarquable. Les envolées d’arpèges et d’accords tissent un feuillage généreux et chatoyant dans lequel sa voix n’a plus qu’à jouer à colin-maillard avec ses mots.

On comprend finalement que l’association de tous ses éléments tantôt rugueux, tantôt séduisants, mais toujours d’une générosité rare, donne naissance à ce disque authentique et remarquable, même dans ses faiblesses. Alors, à défaut de lui présenter une amie célibataire, on veut bien devenir son correspondant pour la vie. Un vrai coup de coeur.

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