Sur son disque le plus accessible à ce jour, le collectif de Bloomington donne à ses humeurs crépusculaires un coup de fouet lumineux. Un traitement de choc revitalisant.


« We’re going out tonight / won’t you join us ?  » l’invitation sur “In the Fire” aurait pu être lancée par Franz Ferdinand : morceau avenant, presque dansant, poudré même de choeurs en « Ooo ! Ooo ! ». Mais non, pas de doute, il s’agit bien d’Early Day Miners. Venant de la part de ce collectif vétéran de Bloomington, plutôt réputé pour façonner de sophistiquées dépressions soniques à la lisière du slowcore et du post-rock, la chose est déstabilisante. Son architecte en chef, Daniel Burton, nous avait déjà prévenus voilà trois ans : le successeur du conceptuel Offshore serait un disque plus… optimiste. On a beau s’y être préparé, l’effet de surprise est garanti.

Difficile de contredire le guitariste/parolier à l’écoute de The Treatment, qu’on ne qualifiera pas d’oeuvre enjouée (tout de même), mais soulagée, certainement. Sans changer son fusil d’épaule, le régime dépressif auquel s’astreint EDM a tout d’une remise en question nécessaire. Elle se lit sur les paroles à double sens de cette virée nocturne : “No More regrets tonight, I’ve had Enough” chante-il, toujours sur ”In The Fire”. Sortir pour n’avoir que trop longtemps souffert d’insomnie, voilà ce que Burton paraît sous-entendre. Plutôt que de n’avoir de cesse de creuser ce même sillon, l’homme a décidé de fissurer l’antre de ses démons pour laisser passer un rayon de lumière.

Après tout, le collectif à géométrie variable de David Burton et son bassiste Jonathan Richardson n’a plus rien à prouver en termes d’intégrité artistique. Depuis son parcours discographique entamé en 2001 — du folk planant du Sonograph EP (2003) en passant par le post-rock conceptuel d’Offshore et les majestueuses introspections électriques de Let Us Garlands Bring (2002) — EDM ignore l’idée du surplace. Fidèle à cette éthique, ce septième opus au line up à nouveau chamboulé — où se distingue la prédominance d’une vocaliste — se veut délibérément direct et enlevé. Une petite révolution se met en place à l’écoute du radieux “So Slowly” chanté en duo (remarquez son titre plein d’autodérision), un tel morceau n’aurait pu être envisagé jusqu’ici par nos ténébreux esthètes.
Bien entendu, on ne saurait nier l’évidence des mélodies. Sans perdre de son pouvoir hypnotique, cette grandeur contenue des guitares, EDM ne se prive plus aujourd’hui d’éloquence. Les halos de larsen atmosphériques que seuls quelques designers du rock américain savent dompter (Idaho, Windsor For The Derby…), se rangent au service des harmonies, à l’instar du magnifique “The Surface of Things”, pique incontesté du disque. Lancé à pleine allure, “Spaces” est aussi un virage (post-punk) superbement négocié. Revirement suprême sur la dernière plage, l’acoustique et éthéré “Silver Oath”, oú Burton cède son chant à sa partenaire.

Plus accessible que jamais, The Treatment n’en demeure pas moins une oeuvre élaborée, complexe, où s’égrènent quelques surprenantes fausses pistes. Certes, la moitié des compositions ressemblent à des… chansons (ah le mot qui fâche !), mais il demeure toujours dans chacune un facteur imprévisible, inquiétant : ce “How to Fall” avec son introduction percussive piquée à « Sympathy for the Devil » qui dévie vers un mid-tempo déprimé. Ou l’expérimentale “The Zip” également, fusion étrange d’un thème de basse soul cerné de drones industriels. Enfin, “Becloud”, sombre fugue vers l’avant de plus de huit minutes. Chassez le naturel… D’évidence, EDM se soigne mais n’est pas totalement guéri. Tant mieux pour nous.

– Lire également notre entretien avec Early Day Miners (2007)

– Ecouter le morceau « So Slowly » :